Constitution Haïtienne de 1801 (Toussaint Louverture)
Promulguée le 8 juillet 1801 sous la direction de Toussaint Louverture, cette charte réorganise Saint-Domingue en une colonie autonome au sein de l'Empire français, abolit définitivement l'esclavage et affirme une gouvernance centralisée ainsi qu'un encadrement religieux.
Constitution Haïtienne de 1801 (Toussaint Louverture)
1801-07-08
Premier Titre - Du Territoire
Article 1
La totalité de Saint-Domingue, ainsi que Samana, la Tortue, la Gonâve, les Cayemites, l'Île-à-Vache, la Saône et les autres îles adjacentes, forment le territoire d'une seule colonie faisant partie de l'Empire français, mais soumise à des lois particulières.
Article 2
Le territoire de cette colonie est divisé en départements, arrondissements et paroisses.
Titre II - Des Habitants
Article 3
Il ne peut exister d'esclaves dans ce territoire ; la servitude y est pour toujours abolie. Tous les hommes y naissent, y vivent et y meurent libres et Français.
Article 4
Tous les hommes peuvent exercer tous les emplois, quelle que soit leur couleur.
Article 5
Il ne peut exister d'autres distinctions que celles de vertus et de talents, ni d'autre supériorité que celle que la loi attribue dans l'exercice d'une fonction publique. La loi est la même pour tous, soit qu'elle punisse, soit qu'elle protège.
Titre III - De la Religion
Article 6
La religion catholique, apostolique et romaine, est la seule qui soit publiquement professée.
Article 7
Chaque paroisse pourvoit à l'entretien du culte religieux et de ses ministres. Les denrées manufacturées lui sont spécialement destinées à cette dépense et pour les presbytères et le logement des ministres.
Article 8
Le gouverneur de la colonie assigne à chaque ministre de la religion le champ de son administration spirituelle, et ces ministres ne pourront jamais, sous aucun prétexte, former un corps dans la colonie.
Titre IV - Des Mœurs
Article 9
Comme le mariage, par son institution civile et religieuse, tend à la pureté des mœurs, les époux qui pratiquent les vertus exigées par leur état, seront toujours distingués et particulièrement protégés par le gouvernement.
Article 10
Le divorce n'aura pas lieu dans la colonie.
Article 11
L'état des droits des enfants nés de mariage sera fixé par des lois qui tendront à étendre et maintenir les vertus sociales, et à encourager et affermir les liens de famille.
Titre V - Des Hommes en Société
Article 12
La Constitution garantit la liberté et la sûreté individuelles. Nul ne peut être arrêté qu'en vertu d'un ordre formellement exprimé, émané d'un fonctionnaire auquel la loi donne le droit d'arrêter et détenir dans un lieu indiqué publiquement.
Article 13
La propriété est sacrée et inviolable. Toute personne, soit par elle-même soit par ses représentants, dispose librement et administre librement ce qui lui appartient légitimement. Quiconque attente à ce droit se rend coupable envers la société et responsable envers la personne troublée dans sa propriété.
Titre VI - De la Culture et du Commerce
Article 14
La colonie, étant essentiellement agricole, ne peut permettre la moindre interruption dans son travail et sa culture.
Article 15
Toute habitation est une manufacture qui exige le rassemblement des cultivateurs et ouvriers ; c'est l'asile tranquille d'une famille active et constante, dont le propriétaire de la terre ou son représentant est nécessairement le père.
Article 16
Tout cultivateur et ouvrier fait partie de la famille et participe à ses revenus. Tout changement de domicile de la part des cultivateurs entraîne la ruine de l'agriculture. Pour faire disparaître ce vice si funeste à la colonie et contraire à l'ordre public, le gouverneur rend tous les règlements de police que les circonstances rendent nécessaires, conformément aux bases de l'arrêté de police du 20 Vendémiaire an IX et à la proclamation du Général en chef Toussaint Louverture du 19 Pluviôse suivant.
Article 17
L'introduction des cultivateurs indispensables au rétablissement et à l'accroissement de la plantation aura lieu à Saint-Domingue. La Constitution charge le gouverneur de prendre toutes les mesures convenables pour encourager et favoriser cet accroissement de bras, stipuler et équilibrer les divers intérêts, et assurer et garantir l'exécution des engagements respectifs résultant de cette introduction.
Article 18
Le commerce de la colonie ne consiste que dans l'échange des marchandises et produits de son territoire ; en conséquence, l'introduction de ceux de la même nature que les siens est et demeure interdite.
Titre VII - De la Législation et de l'Autorité Législative
Article 19
Le régime de la colonie est déterminé par les lois proposées par le gouverneur et rendues par une assemblée d'habitants qui se réunit à des époques fixes dans le centre de la colonie sous le titre d'Assemblée centrale de Saint-Domingue.
Article 20
Aucune loi relative à l'administration intérieure de la colonie ne peut être promulguée si elle ne porte la formule suivante : « L'Assemblée centrale de Saint-Domingue, sur la proposition du Gouverneur, rend la loi suivante. »
Article 21
Les lois ne sont obligatoires pour les citoyens que du jour de leur promulgation dans les chefs-lieux des départements. La promulgation d'une loi a lieu de la manière suivante : au nom de la colonie française de Saint-Domingue, le gouverneur ordonne que la loi ci-dessus soit scellée, promulguée et exécutée dans toute l'étendue de la colonie.
Article 22
L'Assemblée centrale de Saint-Domingue est composée de deux députés par département, qui, pour être éligibles, devront être âgés au moins de 30 ans et avoir résidé dans la colonie cinq ans.
Article 23
L'Assemblée se renouvelle tous les deux ans par moitié ; nul ne peut être membre six années de suite. L'élection se fait ainsi : les administrations municipales nomment tous les deux ans, le 10 ventôse (1er mars), chacune un député, lesquels se réunissent dix jours après dans les chefs-lieux de leurs départements respectifs où ils forment autant d'assemblées électorales départementales qui nomment chacune un député à l'Assemblée centrale. La prochaine élection aura lieu le 10 ventôse an XI (1er mars 1803). En cas de mort, démission ou autre, d'un ou plusieurs membres de l'Assemblée, le Gouverneur pourvoit à leur remplacement. Il désigne également ceux des membres de l'Assemblée centrale actuelle qui, à l'époque du premier renouvellement, resteront membres de cette Assemblée pendant deux années de plus.
Article 24
L'Assemblée centrale vote l'adoption ou le rejet des lois qui lui sont proposées par le Gouverneur. Elle émet ses vœux sur les règlements rendus et sur l'application des lois déjà rendues, sur les abus à réformer, sur les améliorations à entreprendre, sur toutes les parties du service de la colonie.
Article 25
Elle ouvre ses séances chaque année le 1er germinal (22 mars) et ne peut en prolonger la durée au-delà de trois mois. Le Gouverneur peut la convoquer extraordinairement. Les séances ne sont pas publiques.
Article 26
S'il y a lieu, l'Assemblée centrale détermine la base, la quotité, la durée et le mode de perception des impôts d'après l'état des recettes et dépenses qui lui est présenté, et leur accroissement ou diminution. Ces états seront sommairement publiés.
Titre VIII - Du Gouvernement
Article 27
Le gouvernement de la colonie est confié à un Gouverneur, qui correspond directement avec le gouvernement de la métropole sur toutes les affaires relatives à la colonie.
Article 28
La Constitution nomme Gouverneur le citoyen Toussaint Louverture, Général en chef de l'armée de Saint-Domingue, et, en considération des services importants que ce général a rendus à la colonie dans les circonstances les plus critiques de la révolution, et par la volonté des habitants reconnaissants, les rênes lui sont confiées pour le reste de sa glorieuse vie.
Article 29
À l'avenir, chaque gouverneur sera nommé pour cinq ans, et pourra être continué tous les cinq ans pour cause de bonne administration.
Article 30
Afin de consolider la tranquillité que la colonie doit à la fermeté, à l'activité, au zèle infatigable et aux vertus rares du général Toussaint Louverture, et comme gage de la confiance illimitée des habitants de Saint-Domingue, la Constitution attribue exclusivement à ce général le droit de choisir le citoyen qui, dans le cas malheureux de sa mort, devra le remplacer immédiatement. Ce choix sera secret. Il sera consigné dans un paquet scellé qui ne pourra être ouvert que par l'Assemblée centrale en présence de tous les généraux de l'armée de Saint-Domingue en activité et des commandants en chef des départements.
Article 31
Le citoyen qui aura été choisi par le général Toussaint Louverture pour prendre les rênes du gouvernement après sa mort, prêtera serment devant l'Assemblée centrale d'exécuter la Constitution de Saint-Domingue et de rester attaché au gouvernement français, et sera immédiatement installé dans ses fonctions, tout cela en présence des généraux de l'armée en activité et des commandants en chef des départements qui prêteront tous individuellement et sans cesse le serment d'obéir à ses ordres.
Article 32
Au plus tard un mois avant l'expiration des cinq ans fixés à l'administration de chaque gouverneur en exercice, il convoque l'Assemblée centrale, la réunion des généraux de l'armée en activité et les commandants en chef des départements au lieu ordinaire des séances de l'Assemblée centrale, afin de nommer, avec les membres de cette Assemblée, le nouveau gouverneur ou de maintenir celui en fonction.
Article 33
Tout défaut de convocation de la part du gouverneur en exercice est une infraction manifeste à la Constitution. Dans ce cas, le général le plus ancien en grade, ou le plus ancien de ce même grade, qui est en activité dans la colonie, prend de droit et à titre provisoire les rênes du gouvernement. Ce général convoque aussitôt les autres généraux en activité, les commandants en chef des départements et les membres de l'Assemblée centrale, qui sont tous tenus d'obéir à sa convocation, afin de pourvoir à la nomination d'un nouveau gouverneur. En cas de mort, de démission ou autre du gouverneur avant l'expiration de ses fonctions, le gouvernement passe de la même manière dans les mains du général le plus ancien en grade ou le plus ancien du même grade, qui les convoque dans les mêmes vues et formes.
Article 34
Le Gouverneur scelle et promulgue les lois ; il nomme à tous les emplois civils et militaires. Il commande en chef la force armée et en dirige l'organisation ; les vaisseaux d'État dans les ports de la colonie reçoivent ses ordres. Il détermine la division du territoire de la manière la plus conforme aux rapports intérieurs. Conformément à la loi, il veille à la sûreté intérieure et extérieure de la colonie ; et comme l'état de guerre est un état d'abandon, de malaise et de nullité pour la colonie, le gouverneur est chargé, dans cette circonstance, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la subsistance et l'approvisionnement de toute espèce.
Article 35
Il dirige la police générale des habitants et des manufactures, et veille à ce que les propriétaires, fermiers et leurs représentants remplissent leurs obligations envers les cultivateurs et ouvriers, et que ceux-ci remplissent celles qu'ils ont envers les propriétaires, fermiers et leurs représentants.
Article 36
Il propose à l'Assemblée centrale les projets de loi, ainsi que les changements dans la Constitution que l'expérience peut rendre nécessaires.
Article 37
Il dirige la perception, le paiement et l'emploi des finances de la colonie et, à cet effet, donne tous les ordres nécessaires.
Article 38
Tous les deux ans, il présente à l'Assemblée centrale l'état des recettes et dépenses de chaque département, année par année.
Article 39
Il surveille et censure, par des commissaires, tous les écrits destinés à être publiés dans l'île. Il supprime tous ceux qui viennent de l'étranger et qui tendraient à corrompre les mœurs ou à troubler de nouveau la colonie, et punit les auteurs et vendeurs suivant la gravité du cas.
Article 40
S'il est informé qu'il se trame quelque conspiration contre la tranquillité de la colonie, il fait arrêter sur-le-champ les présumés auteurs, exécutants ou complices. Après les avoir fait soumettre à un interrogatoire extrajudiciaire, il les envoie, si le cas l'exige, devant le tribunal compétent.
Article 41
Le traitement du Gouverneur est, à l'heure qu'il est, fixé à trois cent mille francs. Sa garde d'honneur est à la charge de la colonie.
Titre IX - Des Tribunaux
Article 42
Le droit des citoyens d'être jugés à l'amiable par des arbitres de leur choix ne peut être enfreint.
Article 43
Aucune autorité ne peut suspendre ou entraver l'exécution des jugements rendus par les tribunaux.
Article 44
La justice est administrée dans la colonie par des tribunaux de première instance et des tribunaux d'appel. La loi détermine l'organisation de l'un et de l'autre, leur nombre, leur compétence, et l'étendue de leur ressort. Ces tribunaux, suivant leur degré de juridiction, connaissent de toutes les affaires civiles et criminelles.
Article 45
La colonie a un tribunal de cassation, qui prononce sur tous pourvois en cassation contre les jugements rendus par les tribunaux d'appel, et sur les dénonciations contre l'ensemble d'un tribunal. Ce tribunal ne connaît point du fond des affaires, mais il casse les jugements rendus sur des procédures dans lesquelles la forme a été violée, ou qui contiennent quelque contravention évidente à la loi, et renvoie le fond du procès au tribunal qui doit en connaître.
Article 46
Les juges de ces différents tribunaux conservent leurs fonctions leur vie durant, à moins d'être condamnés pour crimes graves. Les commissaires du gouvernement sont révocables.
Article 47
Les crimes des militaires sont soumis à des tribunaux particuliers et à des formes particulières de jugement. Ces tribunaux connaissent également toutes espèces de vols, violation d'asile, assassinats, meurtres, incendies, viol, complot et révolte. Leur organisation appartient au gouverneur de la colonie.
Titre X - De l'Administration Municipale
Article 48
Il y a, dans chaque paroisse de la colonie, une administration municipale ; dans celle où siège un tribunal de première instance, l'administration municipale se compose d'un maire et de quatre administrateurs. Le commissaire du gouvernement attaché au tribunal y remplit les fonctions de commissaire près de l'administration municipale sans rétribution. Dans les autres paroisses, les administrations municipales se composent d'un maire et de deux administrateurs, et les fonctions de commissaire près d'elles sont remplies sans rétribution par les commissaires adjoints du tribunal qui ont ces paroisses dans leur ressort.
Article 49
Les membres des administrations municipales sont nommés pour deux ans, mais ils peuvent être continués. Leur nomination appartient au gouvernement qui, sur une liste de seize personnes au moins présentée par chaque administration municipale, choisit celles qu'il juge les plus capables de conduire les affaires de chaque paroisse.
Article 50
Les fonctions des administrations municipales se bornent à l'exercice simple de la police des villes et bourgs, à l'administration des deniers, à constater la recette des denrées manufacturées et des impositions additionnelles des paroisses. Elles sont en outre spécialement chargées de tenir les registres des naissances, mariages et décès.
Article 51
Les maires exercent des fonctions particulières déterminées par la loi.
Titre XI - De la Force Armée
Article 52
La force armée est essentiellement obéissante ; elle ne peut jamais délibérer. Elle est à la disposition du Gouverneur qui ne peut la mettre en mouvement que pour le maintien de l'ordre public, la protection due à tous les citoyens et la défense de la colonie.
Article 53
Elle est divisée en garde coloniale soldée et garde coloniale non soldée.
Article 54
La garde coloniale non soldée ne sort point des limites de sa paroisse, si ce n'est dans des cas de danger imminent, et sur l'ordre et sous la responsabilité du commandant militaire ou de celui qui le remplace. Hors de sa paroisse, elle devient soldée et est alors assujettie à la discipline militaire ; dans tout autre cas, elle ne l'est qu'à la loi.
Article 55
La gendarmerie coloniale fait partie de la force armée. Elle est à cheval et à pied. La gendarmerie à cheval est instituée pour la haute police et la sûreté des campagnes. Elle est soldée par la caisse coloniale. La gendarmerie à pied est instituée pour les fonctions de police des villes et bourgs, et est soldée par les villes et bourgs où elle fait son service.
Article 56
L'armée se recrute sur la proposition que le Gouverneur en fait à l'Assemblée centrale, et d'après le mode établi par la loi.
Titre XII - Des Finances et des Biens des Domaines Vacants
Article 57
Les finances de la colonie se composent : 1° Des droits sur les marchandises importées, sur les poids et mesures ; 2° Des droits sur la valeur locative des maisons dans les villes et bourgs, de celles qui produisent des denrées manufacturées autres que celles de la culture et du sel ; 3° Du produit des bacs et postes ; 4° Des amendes, confiscations, épaves ; 5° Des droits sur le sauvetage des navires naufragés ; 6° Du produit des domaines de la colonie.
Article 58
Le produit du fermage des biens appartenant aux propriétaires absents sans représentant fait provisoirement partie des revenus publics de la colonie et est affecté aux dépenses administratives. Les circonstances détermineront les lois que l'on pourra faire relativement à la dette publique arriérée et au fermage des biens, appartenant à des propriétaires dont l'administration était saisie avant la promulgation de la présente Constitution, et à ceux qui auront été perçus depuis ; ils pourront être demandés et remboursés dans l'année qui suivra la levée de la saisie du bien.
Article 59
Les fonds provenant de la vente des effets mobiliers et du prix des successions vacantes, ouvertes dans la colonie sous le gouvernement français depuis 1789, seront déposés dans une caisse spéciale et ne pourront être disponibles, ainsi que les biens immeubles réunis au domaine colonial, que deux ans après la publication dans l'île de la paix entre la France et les puissances maritimes. Toutefois, ce délai n'est relatif qu'à celles des successions dont les cinq ans fixés par l'ordonnance de 1781 seront expirés ; et, relativement à celles qui se seront ouvertes dans des époques plus rapprochées de la paix, elles ne seront disponibles et confondues qu'à l'expiration de sept années.
Article 60
Les étrangers succédant en France à leurs parents étrangers ou français, succéderont également à Saint-Domingue ; ils pourront contracter, acquérir et recevoir des biens situés dans la colonie, et pourront en disposer comme les Français par tous les moyens autorisés par la loi.
Article 61
La loi détermine le mode de perception et d'administration des biens saisis et vacants.
Article 62
Une commission temporaire de comptabilité règle et vérifie les comptes des recettes et dépenses de la colonie. Cette commission est composée de trois membres, choisis et nommés par le gouverneur.
Titre XIII - Dispositions Générales
Article 63
La maison de tout homme est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer, si ce n'est en cas d'incendie, d'inondation, ou d'appel venant de l'intérieur. Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécialement déterminé par la loi, ou par un ordre émané d'une autorité publique.
Article 64
Pour qu'un acte ordonnant l'arrestation d'une personne puisse être exécuté, il faut qu'il exprime formellement le motif de l'arrestation et la loi en exécution de laquelle il est donné ; qu'il émane d'un fonctionnaire que la loi a formellement qualifié pour faire ces actes ; qu'une copie en soit délivrée à la personne arrêtée.
Article 65
Tous ceux qui, n'ayant pas reçu par la loi le pouvoir d'arrêter, donneront, signeront, exécuteront ou feront exécuter l'ordre d'arrêter un citoyen, seront coupables du crime de détention arbitraire.
Article 66
Tous les citoyens ont le droit d'adresser individuellement des pétitions à toute autorité constituée, et particulièrement au Gouverneur.
Article 67
Aucune corporation ou association contraire à l'ordre public ne peut se former dans la colonie. Nulle assemblée de citoyens ne pourra se qualifier de société populaire. Toute réunion séditieuse sera aussitôt dissoute par la voie verbale et, au besoin, par la force armée.
Article 68
Tout homme a la liberté de former des établissements particuliers pour l'éducation et l'instruction de la jeunesse, avec l'autorisation et sous la surveillance des administrations municipales.
Article 69
La loi veille particulièrement sur les professions qui touchent aux mœurs publiques, à la sûreté, à la santé et à la fortune des citoyens.
Article 70
Elle pourvoit à la récompense des inventeurs de machines rurales, ou au maintien de la propriété exclusive dans leurs découvertes.
Article 71
Dans toute la colonie, il y a uniformité dans les poids et mesures.
Article 72
Le gouverneur décerne, au nom de la colonie, des récompenses aux guerriers qui ont rendu des services éclatants en défendant la cause commune.
Article 73
Les propriétaires absents, pour quelque cause que ce puisse être, conservent leurs droits sur les biens qui leur appartiennent dans la colonie. Pour faire lever la saisie, il leur suffira de présenter leurs titres de propriété ou, à défaut de titres, des actes supplicatifs dont la loi détermine la formule. Cependant, sont exceptés de cette disposition ceux qui sont inscrits et maintenus sur la liste générale des émigrés de France ; dans ce cas, leurs biens continueront à être administrés comme domaines de la colonie jusqu'à ce qu'ils en soient radiés.
Article 74
Comme garantie du droit public, la colonie proclame que tous les baux légalement consentis par l'administration auront leur plein effet, si les adjudicataires ne préfèrent transiger avec les propriétaires ou leurs représentants qui auront obtenu la mainlevée de la saisie.
Article 75
Elle proclame que c'est sur le respect des personnes et des propriétés que reposent la culture de la terre, toute production, tous les moyens de travail et tout l'ordre social.
Article 76
Elle proclame que tout citoyen doit ses services à la terre qui le nourrit et qui l'a vu naître, à la maintenance de la liberté, de l'égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l'appellera à les défendre.
Article 77
Le général en chef Toussaint Louverture est et demeure chargé d'adresser la présente Constitution à l'approbation du gouvernement français. Néanmoins, attendu l'absence de lois, l'urgence de sortir de l'état de péril, la nécessité de rétablir promptement la culture, et la volonté unanime, formellement manifestée, des habitants de Saint-Domingue, le général en chef est et demeure invité, au nom du bien public, à la faire entrer en exécution dans toute l'étendue du territoire de la colonie. Fait à Port-Républicain, 19 Floréal an IX de la République française une et indivisible. Signé : Borgella (président), Raimond, Collet, Gaston Nogérée, Lacour, Roxas, Mugnos, Mancebo, E. Viart (secrétaire). « Après avoir pris connaissance de la Constitution, je la sanctionne et je donne mon approbation. L'invitation de l'Assemblée centrale est un ordre pour moi ; en conséquence, je la ferai passer au gouvernement français pour son approbation. Quant à son exécution dans la colonie, la volonté exprimée par l'Assemblée centrale y sera pareillement satisfaite et exécutée. » Donné au Cap-Français, 14 Messidor, an IX de la République française une et indivisible. Le général en chef : Toussaint Louverture.