ConstitutionMay 20, 1805

Constitution d’Haïti de 1805 (Dessalines)

Sous l'Empereur Jean-Jacques Dessalines, Haïti adopte une constitution affirmant la souveraineté et l'unité nationale.

Constitution d’Haïti de 1805 (Dessalines)

1805-05-20

Introduction

Article 1

Nous, H. Christophe, Clerveaux, Vernet, Gabart, Pétion, Geffard, Toussaint, Brave, Raphaël, Roamin, Lalondridie, Capoix, Magny, Daut, Conge, Magloire, Ambroise, Yayou, Jean Louis Franchois, Gérin, Mereau, Fervu, Bavelais, Martial Besse… au nom de nous-mêmes et du peuple d’Haïti, qui nous a légalement constitués organes et interprètes fidèles de sa volonté, en présence de l’Être suprême devant qui tous les hommes sont égaux, et de toute la nature qui nous a si injustement et si longtemps considérés comme des enfants rejetés, déclarons que la présente constitution est l’expression libre, spontanée et invariable de nos cœurs et de la volonté générale de nos mandataires, et nous la soumettons à la sanction de S.M. l’Empereur Jacques Dessalines, notre libérateur, afin qu’elle reçoive son exécution prompte et entière.

Déclaration Préliminaire

Article 1

Le peuple habitant l’île jadis appelée Saint-Domingue convient de se former en État libre, souverain et indépendant de toute autre puissance, sous le nom d’Empire d’Haïti.

Article 2

L’esclavage est aboli pour toujours.

Article 3

Les citoyens d’Haïti sont frères chez eux ; l’égalité devant la loi est incontestablement reconnue, et il ne peut exister ni titres, ni avantages, ni privilèges, autres que ceux qui résultent nécessairement de la considération et de la récompense des services rendus à la liberté et à l’indépendance.

Article 4

La loi est la même pour tous, qu’elle punisse ou qu’elle protège.

Article 5

La loi n’a pas d’effet rétroactif.

Article 6

La propriété est sacrée, toute violation sera sévèrement poursuivie.

Article 7

La qualité de citoyen d’Haïti se perd par l’émigration et la naturalisation dans des pays étrangers, et par la condamnation à des peines corporelles ou infamantes. Le premier cas entraîne la peine de mort et la confiscation des biens.

Article 8

La qualité de citoyen est suspendue en conséquence de faillites et banqueroutes.

Article 9

Nul n’est digne d’être Haïtien s’il n’est pas bon père, bon fils, bon époux et surtout bon soldat.

Article 10

Pères et mères ne peuvent déshériter leurs enfants.

Article 11

Tout citoyen doit posséder un art mécanique.

Article 12

Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne mettra le pied sur ce territoire avec le titre de maître ou de propriétaire, et ne pourra à l’avenir y acquérir aucune propriété.

Article 13

L’article précédent ne peut en rien affecter les femmes blanches naturalisées haïtiennes par le Gouvernement, ni s’étendre aux enfants déjà nés, ou à naître des dites femmes. Les Allemands et Polonais naturalisés par le gouvernement sont compris également dans les dispositions du présent article.

Article 14

Toute acception de couleur parmi les enfants d’une seule et même famille, dont le chef est le père, étant nécessairement abolie, les Haïtiens ne seront dorénavant connus que sous la dénomination générique de Noirs.

De l’Empire

Article 15

L’Empire d’Haïti est un et indivisible. Son territoire est distribué en six divisions militaires.

Article 16

Chaque division militaire est commandée par un général de division.

Article 17

Ces généraux de division sont indépendants les uns des autres, et correspondent directement avec l’Empereur, ou avec le général en chef désigné par Sa Majesté.

Article 18

Les îles suivantes font partie intégrante de l’Empire, à savoir : Samana, la Tortue, la Gonave, les Cayemites, la Saône, l’Île à Vache et les autres îles adjacentes.

Du Gouvernement

Article 19

Le gouvernement d’Haïti est confié à un premier magistrat, qui prend le titre d’Empereur et de commandant en chef de l’armée.

Article 20

Le peuple reconnaît pour Empereur et Commandant en chef de l’Armée, Jacques Dessalines, vengeur et libérateur de ses concitoyens. Le titre de Majesté lui est conféré, ainsi qu’à son auguste épouse, l’Impératrice.

Article 21

Les personnes de leurs Majestés sont sacrées et inviolables.

Article 22

L’État attribuera une dotation annuelle fixée à Sa Majesté l’Impératrice, qu’elle continuera à jouir même après le décès de l’Empereur, en tant que princesse douairière.

Article 23

La couronne est élective, non héréditaire.

Article 24

L’État assure un revenu annuel aux enfants reconnus par Sa Majesté l’Empereur.

Article 25

Les fils reconnus par l’Empereur seront obligés, comme les autres citoyens, de monter en grade graduellement, à cette seule différence que leur entrée au service commencera à la quatrième demi-brigade, à partir de leur naissance.

Article 26

L’Empereur désigne, de la manière qu’il juge à propos, la personne qui doit lui succéder, avant ou après sa mort.

Article 27

Une dotation convenable sera accordée par l’État à ce successeur, dès son accession au trône.

Article 28

Ni l’Empereur, ni ses successeurs, ne pourront, en aucun cas et sous aucun prétexte, s’attacher aucune garde d’honneur particulière ou privilégiée.

Article 29

Tout successeur qui dévie de l’article précédent ou des principes consacrés par la présente constitution, est considéré comme en état de guerre contre la société. Les conseillers d’État s’assemblent alors pour prononcer sa destitution et choisir parmi eux celui qui est jugé plus digne de le remplacer. S’il s’oppose à cette mesure, les généraux, conseillers d’État, feront appel au peuple et à l’armée, qui soutiendront la liberté.

Article 30

L’Empereur scelle et promulgue les lois ; nomme et révoque à volonté les Ministres, le Général en chef de l’armée, les Conseillers d’État, les Généraux et autres agents de l’Empire, les officiers de marine, les membres des administrations locales, les Commissaires du Gouvernement près les Tribunaux, les juges et autres fonctionnaires publics.

Article 31

L’Empereur dirige les recettes et dépenses de l’État, contrôle la Monnaie dont il ordonne seul l’émission, et en fixe le poids et le modèle.

Article 32

À lui seul est réservé le pouvoir de faire la paix ou la guerre, de maintenir les relations politiques et de former des traités.

Article 33

Il pourvoit à la sûreté intérieure et à la défense de l’État ; et distribue à volonté les forces de terre et de mer.

Article 34

En cas de conspiration manifestée contre la sûreté de l’État, contre la constitution ou contre sa personne, l’Empereur fera arrêter et traduire devant un conseil spécial les auteurs et complices.

Article 35

Sa Majesté a seule le droit de gracier un criminel ou de commuer sa peine.

Article 36

L’Empereur ne formera jamais aucun projet dans l’intention de faire des conquêtes ou de troubler l’administration intérieure des colonies étrangères.

Article 37

Tout acte public est rédigé sous la formule : « L’EMPEREUR I. D’HAÏTI, ET COMMANDANT EN CHEF DE L’ARMÉE, PAR LA GRÂCE DE DIEU ET LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE L’ÉTAT. »

Du Conseil d’État

Article 38

Les généraux de division et de brigade sont de droit membres du Conseil d’État, et le composent.

Des Ministres

Article 39

Il y aura dans l’Empire deux ministres et un secrétaire d’État : le ministre des finances (ayant le département de l’intérieur) et le ministre de la guerre (ayant le département de la marine).

Article 40

[Règlements intérieurs relatifs au ministère]

Article 41

[Règlements intérieurs relatifs au ministère]

Article 42

[Règlements intérieurs relatifs au ministère]

Article 43

[Règlements intérieurs relatifs au ministère]

Article 44

[Règlements intérieurs relatifs au ministère]

Des Tribunaux

Article 45

Nul ne peut s’opposer au droit de tout individu d’être jugé à l’amiable par des arbitres de son choix, dont les jugements seront légalement reconnus.

Article 46

Il y aura un juge de paix dans chaque commune, qui n’aura pas à connaître des causes au-delà de cent dollars. En cas d’échec de conciliation, on pourra faire appel aux tribunaux des districts respectifs.

Article 47

Il sera établi six tribunaux dans les villes désignées ci-après : Saint-Marc, le Cap, Port-au-Prince, Aux Cayes, L’Anse-à-Veau, Port-de-Paix. L’Empereur détermine leur organisation, leur nombre, leur compétence, et le territoire formant le ressort de chacun. Ces tribunaux connaissent de toutes les affaires purement civiles.

Article 48

Les crimes militaires sont soumis à des conseils spéciaux et à des formes particulières de jugement.

Article 49

Des lois particulières seront faites pour les affaires nationales, et concernant les officiers civils de l’État.

Du Culte

Article 50

La loi n’admet pas de religion dominante.

Article 51

La liberté de culte est tolérée.

Article 52

L’État ne pourvoit à l’entretien d’aucune institution religieuse, ni d’aucun ministre.

De l’Administration

Article 53

Il y aura dans chaque division militaire une administration principale, dont l’organisation et l’inspection appartiennent essentiellement au ministre des finances.

Dispositions Générales

Article 54

Art. 1. À l’Empereur et à l’Impératrice appartient le choix, le salaire et l’entretien des personnes composant leur cour.

Article 55

2. Après le décès de l’Empereur régnant, si une révision de la constitution est jugée nécessaire, le conseil d’État se réunira à cet effet, présidé par le membre le plus ancien.

Article 56

3. Les crimes de haute trahison, les dilapidations des ministres et des généraux seront jugés par un conseil spécial convoqué et présidé par l’empereur.

Article 57

4. La force armée est essentiellement obéissante : nul corps armé ne peut délibérer.

Article 58

5. Personne ne peut être jugé sans avoir été légalement entendu pour sa défense.

Article 59

6. La maison de tout citoyen est un asile inviolable.

Article 60

7. On ne peut y entrer qu’en cas d’incendie, d’inondation, d’appel de l’intérieur, ou en vertu d’un ordre émané de l’Empereur ou de toute autre autorité légalement constituée.

Article 61

8. Celui qui ôte la vie à son semblable mérite la mort.

Article 62

9. Tout jugement portant peine de mort ou châtiment corporel ne sera exécuté qu’après confirmation de l’Empereur.

Article 63

10. Le vol sera puni selon les circonstances qui l’auront précédé, accompagné ou suivi.

Article 64

11. Tout étranger habitant sur le territoire d’Haïti sera, au même titre que les Haïtiens, soumis aux lois correctionnelles et criminelles du pays.

Article 65

12. Tous les biens qui appartenaient à des blancs français sont, de droit, confisqués à l’usage de l’État.

Article 66

13. Tout Haïtien qui, ayant acheté des biens de la part d’un blanc français, aura payé une portion du prix de vente, reste redevable au domaine de l’État pour le reste du montant dû.

Article 67

14. Le mariage est un acte purement civil, autorisé par le gouvernement.

Article 68

15. La loi autorise le divorce dans tous les cas prévus et déterminés d’avance.

Article 69

16. Une loi particulière sera édictée concernant les enfants nés hors mariage.

Article 70

17. Le respect pour les chefs, la subordination et la discipline sont rigoureusement nécessaires.

Article 71

18. Un Code pénal sera publié et observé sévèrement.

Article 72

19. Dans chaque division militaire, une école publique sera établie pour l’instruction de la jeunesse.

Article 73

20. Les couleurs nationales sont le noir et le rouge.

Article 74

21. L’agriculture, étant le premier, le plus noble et le plus utile de tous les arts, sera honorée et protégée.

Article 75

22. Le commerce, deuxième source de la prospérité des États, ne souffrira aucun obstacle, il sera favorisé et particulièrement protégé.

Article 76

23. Dans chaque division militaire, un tribunal de commerce sera établi, dont les membres seront choisis par l’Empereur parmi la classe des négociants.

Article 77

24. La bonne foi et l’intégrité dans les opérations commerciales seront religieusement maintenues.

Article 78

25. Le gouvernement assure la sûreté et la protection aux nations neutres et amies qui voudront établir des relations commerciales avec cette île, en se conformant aux règlements et coutumes du pays.

Article 79

26. Les comptoirs et marchandises des étrangers seront sous la sauvegarde et la garantie de l’État.

Article 80

27. Il y aura des fêtes nationales pour célébrer l’indépendance, l’anniversaire de l’Empereur et de son auguste épouse, celui de l’agriculture et de la constitution.

Article 81

28. Au premier coup de canon d’alarme, les villes disparaîtront et la nation se lèvera.

Acceptation et Signature

Article 1

Nous, soussignés, plaçons sous la sauvegarde des magistrats, pères et mères de famille, citoyens et armée, ce pacte explicite et solennel des droits sacrés de l’homme et des devoirs du citoyen. Nous le recommandons à nos successeurs et le présentons aux amis de la liberté, aux philanthropes de tous les pays, comme un gage signalé de la Bonté divine.

Article 2

Signé : H. Christophe, &c. (comme ci-dessus). Ayant vu la présente Constitution : Nous, Jacques Dessalines, Empereur d’Haïti, Commandant en chef de l’armée, par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l’État, l’acceptons en entier et la sanctionnons pour qu’elle reçoive, sans retard, son exécution dans tout l’Empire. Et nous jurons de la maintenir et de la faire observer intégralement jusqu’au dernier soupir de notre vie. Fait au Palais Impérial de Dessalines, le 20 mai 1805, deuxième année de l’Indépendance d’Haïti, et de notre règne la première. Dessalines. Par l’Empereur, Juste Chanlatte, Sec. gén.

Article 3

Source: Traduction anglaise de la Constitution de 1805, publiée dans le New York Evening Post, 15 juillet 1805. Récupérée de Wikisource: http://en.wikisource.org/wiki/Constitution_of_Hayti_(1805).