Constitution du Nord sous Henri Christophe, établissant l'État d'Haïti avec un pouvoir exécutif fort.
Constitution Haïtienne de 1807
1807-02-17
Préambule
Article 0
**Constitution de 1807 (Vigueur dans le Nord)**
Les exécutifs ci-dessous ont signé, investis par le peuple d’Haïti et légalement convoqués par Son Excellence le Chef de l’Armée. Imposés de la nécessité de garantir aux citoyens leurs droits sacrés, imprescriptibles et inaliénables.
Proclament, en présence et sous les auspices du Tout-Puissant, les articles contenus dans le présent Pacte Constitutionnel.
TITRE I – De l’État des Citoyens
Article 1
Toute personne résidant sur le territoire d’Haïti est libre de plein droit.
Article 2
L’esclavage est à jamais aboli en Haïti.
Article 3
Nul ne peut violer l’asile d’un citoyen ni entrer dans sa maison par la force, si ce n’est sur un ordre émané d’une autorité compétente.
Article 4
La propriété est protégée par le Gouvernement. Toute attaque contre les biens d’un citoyen est un crime puni par la loi.
Article 5
Le meurtre est puni de la peine de mort.
TITRE II – Du Gouvernement
Article 6
Le Gouvernement d’Haïti se compose :
1° D’un Premier Magistrat qui prend le titre et la qualité de Président et Généralissime des forces de terre et de mer d’Haïti. Toute autre dénomination demeure à jamais interdite.
2° D’un Conseil d’État.
Le Gouvernement d’Haïti prend le titre et sera connu sous la dénomination d’État d’Haïti.
Article 7
La Constitution nomme le Général en Chef, Henri Christophe, Président et Généralissime des forces de terre et de mer d’Haïti.
Article 8
La fonction de Président et Généralissime est à vie.
Article 9
Le Président peut choisir son successeur, mais seulement parmi les généraux et avec les formalités suivantes : cette sélection sera secrète et consignée sur un feuillet fermé, qui ne sera ouvert que par le Conseil d’État réuni à cet effet.
Le Président prendra toutes les précautions nécessaires pour faire connaître au Conseil d’État l’endroit où il dépose ce feuillet.
Article 10
Les forces de terre et de mer sont sous les ordres du Président, de même que la direction des Finances, qu’il confie à un Surintendant Général et à des surveillants de son choix.
Article 11
Le Président peut conclure des traités avec les puissances étrangères, afin d’établir des relations commerciales et d’assurer l’indépendance de l’État.
Article 12
Il lui appartient de négocier la paix et de déclarer la guerre pour maintenir les droits du peuple haïtien.
Article 13
Il peut suggérer les moyens favorisant l’augmentation de la population du pays.
Article 14
Il propose les lois au Conseil d’État ; après adoption et transcription, elles lui sont renvoyées pour sa sanction, sans laquelle elles ne peuvent être exécutées.
Article 15
L’allocation du Président est fixée à quarante mille gourdes par an.
TITRE III – Du Conseil d’État
Article 16
Le Conseil d’État est composé de neuf membres nommés par le Président, dont au moins les deux tiers sont généraux.
Article 17
Le Conseil d’État reçoit les projets de loi présentés par le Président et les transcrit de la manière qu’il juge convenable.
Article 18
Sur l’initiative du Président, le Conseil d’État décidera du montant des contributions et du mode de perception.
Article 19
La sanction des traités conclus par le Président avec les nations étrangères revient au Conseil d’État.
Article 20
Il appartient au Conseil de décider la forme du recrutement de l’Armée.
Article 21
Le Surintendant général des Finances présente tous les ans, sur l’ordre du Président, un aperçu des recettes et dépenses de l’État, ainsi qu’un résumé de ses ressources, au Conseil.
Article 22
Le Conseil d’État se réunit au lieu de résidence du Président, lorsque celui-ci le convoque.
TITRE IV – Du Surintendant des Finances
Article 23
Le Gouvernement d’Haïti aura un Surintendant général chargé des Finances, de la Marine et de l’Intérieur.
TITRE V – Du Secrétaire d’État
Article 24
Il y aura un Secrétaire d’État nommé par le Président, chargé de la transcription et du contreseing de tous les actes publics, ainsi que de la correspondance intérieure et extérieure.
TITRE VI – Des Tribunaux
Article 25
Dans chaque Division, il sera établi une Cour qui connaîtra des affaires civiles comme des affaires pénales.
Article 26
Une Cour de commerce sera aussi établie dans chaque Division.
Article 27
Dans chaque Paroisse, il y aura un Juge de Paix jugeant en premier ressort jusqu’à la somme que la loi détermine. Cependant, tout citoyen peut soumettre son différend à des arbitres choisis à l’amiable.
Article 28
Des Conseils spéciaux pour les crimes militaires seront également institués, nommés par le Président, et se dissoudront après l’exécution de chaque sentence.
Article 29
La forme de la procédure en matière civile et pénale sera réglée par un code spécial.
TITRE VII – De la Religion
Article 30
La Religion catholique, apostolique et romaine est la seule reconnue par le Gouvernement. L’exercice d’autres cultes est toléré, mais non publiquement.
Article 31
Il y aura un Préfet apostolique chargé du culte divin et de tout ce qui s’y rapporte, communiquant directement avec le Président ; il proposera les règlements concernant l’Église et dénoncera au Président les irrégularités éventuelles.
Article 32
L’État ne pourvoit pas à la subsistance d’aucun Ministre de Religion ; toutefois, la loi fixera les émoluments et récompenses de ce ministère.
Article 33
Nul n’a le droit de troubler l’exercice d’un culte.
TITRE VIII – De l’Instruction Publique
Article 34
Une école centrale sera établie dans chaque Division, et des écoles convenables dans chaque District. Toutefois, tout citoyen peut maintenir des maisons d’éducation particulières.
Article 35
Les traitements des professeurs et instituteurs, ainsi que la surveillance des écoles, seront réglés par une loi spéciale.
TITRE IX – Garantie aux Colonies Voisines
Article 36
Le Gouvernement d’Haïti déclare aux Puissances qui possèdent des colonies à ses environs sa décision inébranlable de ne point troubler le régime par lequel elles sont gouvernées.
Article 37
La nation d’Haïti ne fera aucune conquête hors de l’île, se bornant à conserver son territoire.
TITRE X – Dispositions Générales
Article 38
Aucune association ou corporation qui voudrait troubler l’ordre public ne sera tolérée en Haïti.
Article 39
Toute réunion séditieuse sera dissoute par les forces armées si l’ordre verbal d’une autorité compétente ne suffit pas.
Article 40
Tous les Haïtiens âgés de 10 à 50 ans sont obligés de prêter leurs services à l’armée, autant de fois que la sûreté de l’État l’exige.
Article 41
Le Gouvernement garantit solennellement aux négociants étrangers la sécurité de leurs personnes et de leurs biens, et leur accorde la protection la plus efficace.
Article 42
En raison des avantages dont ils jouissent, les étrangers en Haïti sont soumis aux lois du pays, comme s’ils étaient des sujets haïtiens, pendant leur séjour.
Article 43
Une loi particulière divisera le territoire de la manière la plus avantageuse.
Article 44
L’application de la Constitution est suspendue dans tous lieux du territoire où se produisent des troubles nécessitant l’emploi des forces armées pour rétablir l’ordre.
Article 45
L’uniformité des poids et mesures sera générale en Haïti.
Article 46
Le divorce est rigoureusement interdit en Haïti.
Article 47
Le mariage, lien civil et religieux qui soutient la convention morale, sera honoré et protégé spécialement.
Article 48
Les pères et mères n’ont pas le droit de déshériter leurs enfants.
Article 49
L’agriculture, art premier, le plus noble et le plus utile, sera protégée et encouragée.
Article 50
Des fêtes nationales célébrant l’Indépendance, la Constitution, l’Agriculture, et la fête du Président et de son épouse seront établies et fixées par une loi.
Article 51
Nulle loi ne peut avoir un effet rétroactif.
Clôture
Article 0
Fait au Cap, le 17 février 1807, an IV de l’Indépendance.