Article 0
Le peuple souverain proclame, en présence de l'Être suprême, la présente Constitution de l'Empire d'Haïti, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles et politiques, sa souveraineté et son indépendance nationale.
Charte impériale promulguée par Faustin Soulouque (Empereur Faustin Ier) établissant le Second Empire haïtien. Cette constitution transforme la république en empire et reste en vigueur jusqu'à la chute de Faustin en 1859.
1849-09-20
Le peuple souverain proclame, en présence de l'Être suprême, la présente Constitution de l'Empire d'Haïti, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles et politiques, sa souveraineté et son indépendance nationale.
L'île d'Haïti et les îles adjacentes qui en dépendent forment le territoire de l'Empire.
Le territoire de l'Empire est divisée en provinces. Leurs limites seront établies par la loi.
Chaque province est subdivisée en arrondissements, chaque arrondissement en paroisses. Le nombre et les limites de ces subdivisions seront également déterminés par la loi. Il y aura des divisions militaires. Le nombre et les limites de ces divisions seront aussi déterminés par la loi.
L'Empire d'Haïti est un et indivisible, essentiellement libre, souverain et indépendant. Son territoire est inviolable, et ne peut être aliéné par aucun traité.
Sont Haïtiens, tous individus nés en Haïti et descendant d'Africain et d'Indien, et tous ceux nés en pays étranger d'un Haïtien ou d'une Haïtienne. Sont également Haïtiens tous ceux qui, jusqu'à ce jour, ont été reconnus en cette qualité.
Tout Africain ou Indien et leurs descendants sont habiles à devenir Haïtiens. La loi règle les formalités de la naturalisation.
Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre le pied sur le territoire haïtien à titre de maître ou de propriétaire, et ne pourra, à l'avenir, y acquérir aucun immeuble, ni la qualité d'Haïtien.
Il ne peut exister d'esclaves sur le territoire de l'Empire ; l'esclavage y est à jamais aboli.
Toute dette contractée pour acquisition d'hommes est éteinte pour toujours.
Le droit d'asile est sacré et inviolable, dans l'Empire, sauf les cas d'exception prévus par la loi.
La réunion des droits civils et des droits politiques constitue la qualité de citoyen. L'exercice des droits civils est indépendant de l'exercice des droits politiques.
L'exercice des droits civils est réglé par la loi.
Tout citoyen, âgé de vingt et un ans accomplis, exerce les droits politiques, s'il réunit, d'ailleurs, les autres conditions déterminées par la Constitution. Néanmoins les Haïtiens naturalisés ne sont admis à cet exercice qu'après une année de résidence dans l'Empire.
L'exercice des droits politiques se perd : 1° par la naturalisation acquise en pays étranger ; 2° par l'abandon de la patrie, au moment d'un danger imminent ; 3° par l'acceptation non autorisée de fonctions publiques, ou de pensions conférées par un gouvernement étranger ; 4° par tout service, non autorisé, soit dans les troupes, soit à bord des bâtiments de guerre d'une puissance étrangère ; 5° par tout établissement fait en pays étranger, sans esprit de retour. Les établissements de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour ; 6° par la condamnation contradictoire et définitive à des peines perpétuelles, à la fois afflictives et infamantes.
L'exercice des droits politiques est suspendu : 1° par l'état de banqueroutier simple ou frauduleux ; 2° par l'état d'interdiction judiciaire, d'accusation ou de contumace ; 3° par suite de condamnations judiciaires emportant la suspension des droits civils ; 4° par suite d'un jugement constatant le refus de service dans la garde nationale. La suspension cesse avec les causes qui y ont donné lieu.
L'exercice des droits politiques ne peut se perdre ni être suspendu que dans les cas exprimés aux articles précédents.
La loi règle les cas où l'on peut recouvrer les droits politiques, le mode et les conditions à remplir à cet effet.
Les Haïtiens sont égaux devant la loi. Ils seront tous également admissibles aux emplois civils et militaires.
La liberté individuelle est garantie. Nul ne peut être arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon le mode qu'elle a établi.
Pour que l'acte qui ordonne l'arrestation d'une personne puisse être exécuté, il faut : 1° qu'il exprime formellement le motif de l'arrestation et la loi en exécution de laquelle elle est ordonnée ; 2° qu'il émane d'un fonctionnaire à qui la loi ait donné formellement ce pouvoir ; 3° qu'il soit notifié à la personne arrêtée, et qu'il lui en soit laissé copie.
Nul ne peut être distrait des juges que la Constitution ou la loi lui assigne.
La maison de toute personne habitant le territoire haïtien est un asile inviolable. Aucune visite domiciliaire, aucune saisie de papiers ne peut avoir lieu qu'en vertu de la loi et dans la forme qu'elle prescrit.
Aucune loi ne peut avoir d'effet rétroactif.
Nulle peine ne peut être établie que par la loi, ni appliquée que dans les cas qu'elle a déterminés.
La Constitution garantit l'inviolabilité des propriétés.
La Constitution garantit également l'aliénation des domaines nationaux, ainsi que les concessions accordées par le gouvernement, soit comme gratification nationale ou autrement.
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.
La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.
Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et la propriété, toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre.
La peine de mort sera restreinte à certains cas que la loi déterminera.
Chacun a le droit d'exprimer ses opinions en toute matière, d'écrire, d'imprimer et de publier ses pensées. Les écrits ne peuvent être soumis à aucune censure avant leur publication. Les abus de l'usage de ce droit sont définis et réprimés par la loi sans qu'il puisse être porté atteinte à la liberté de la presse.
Tous les cultes sont également libres. Chacun a le droit de professer sa religion et d'exercer librement son culte, pourvu qu'il ne trouble pas l'ordre public.
L'établissement d'une église ou d'un temple et l'exercice public d'un culte peuvent être réglés par la loi.
Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Haïtiens, reçoivent un traitement fixé par la loi. Ils seront spécialement protégés. Le gouvernement détermine l'étendue de la circonscription territoriale des paroisses qu'ils desservent.
L'enseignement est libre, et des écoles sont distribuées graduellement, à raison de la population.
Le jury est établi en toutes matières criminelles ; sa décision n'est soumise à aucun recours.
Les Haïtiens ont le droit de s'associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive, sans préjudice, néanmoins, du droit qu'a l'autorité publique de surveiller et de poursuivre toute association dont le but serait contraire à l'ordre public.
Le droit de pétition est exercé personnellement par un ou plusieurs individus, jamais au nom d'un corps. Les pétitions peuvent être adressées soit au Pouvoir exécutif, soit à chacune des deux Chambres législatives.
Le secret des lettres est inviolable. La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.
L'emploi des langues usitées en Haïti est facultatif. Il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires.
Les dettes publiques contractées soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, sont garanties. La Constitution les place sous la sauvegarde et la loyauté de la nation.
La souveraineté nationale réside dans l'universalité des citoyens.
L'exercice de cette souveraineté est délégué à trois pouvoirs. Ces trois pouvoirs sont : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions, qu'il exerce séparément. Aucun d'eux ne peut les déléguer, ni sortir des limites qui lui sont fixées. La responsabilité est attachée à chacun des actes des trois pouvoirs.
La puissance législative s'exerce collectivement par le Chef du pouvoir exécutif, par la Chambre des représentants et par le Sénat.
La puissance exécutive est déléguée à un citoyen qui prend le titre d'Empereur d'Haïti.
La puissance judiciaire est exercée par une Cour de Cassation et d'autres tribunaux civils.
La responsabilité individuelle est formellement attachée à toutes fonctions publiques. Une loi réglera le mode à suivre dans le cas de poursuites contre les fonctionnaires publics pour fait de leur administration.
La Chambre des Représentants se compose de représentants des arrondissements de l'Empire. Le nombre des représentants sera fixé par la loi. Chaque arrondissement aura au moins deux représentants.
Jusqu'à ce que la loi ait fixé le nombre des représentants à élire par les arrondissements, ce nombre est réglé ainsi qu'il suit : Cinq pour l'arrondissement du Port-au-Prince, trois pour chacun des arrondissements des chefs-lieux de provinces et pour ceux de Jacmel et de Jérémie, et deux pour chacun des autres arrondissements de l'Empire.
Les représentants sont élus ainsi qu'il suit : Tous les cinq ans, du 10 au 20 juillet [janvier ?], les assemblées primaires des paroisses se réunissent, conformément à la loi électorale, et élisent chacune trois électeurs.
Du 1er au 10 février, les électeurs des communes de chaque arrondissement se réunissent au chef-lieu et forment un collège électoral. Le collège nomme, au scrutin secret, et à la majorité absolue des suffrages, le nombre de représentants que doit fournir l'arrondissement. Il nomme autant de suppléants que de représentants.
Ces suppléants, par ordre de nomination, remplacent les représentants de l'arrondissement, en cas de mort, démission, déchéance ou dans le cas prévu par l'article 59.
La moitié au moins des représentants et des suppléants sera choisie parmi les citoyens qui ont leur domicile politique dans l'arrondissement.
Pour être élu représentant ou suppléant, il faut : 1° être âgé de 25 ans accomplis ; 2° jouir des droits civils et politiques ; 3° être propriétaire d'immeuble en Haïti.
L'Haïtien naturalisé devra, en outre des conditions prescrites par l'article précédent, justifier d'une résidence de trois années dans l'Empire, pour être élu représentant ou suppléant.
Les fonctions de représentant sont incompatibles avec toutes fonctions de l'administration des finances. Un représentant qui exerce à la fois une autre fonction salariée par l'État ne peut cumuler deux indemnités durant la session. Il doit opter entre les deux.
Les membres des tribunaux civils, les officiers du ministère public près ces tribunaux, ne pourront point être élus représentants dans le ressort du tribunal auquel ils appartiennent. Les membres de la Cour de Cassation, les officiers du ministère public près cette Cour ne pourront point être élus représentants dans le ressort du tribunal civil de Port-au-Prince. Les commandants d'arrondissement et leurs adjoints, les commandants de paroisse et les adjudants de place ne pourront point être élus représentants dans l'étendue de leur arrondissement.
Tout représentant qui accepte, durant son mandat, une fonction salariée par l'État, autre que celle qu'il occupait avant son élection, cesse dès lors de faire partie de la Chambre.
Les représentants sont élus pour cinq ans. Leur renouvellement se fait intégralement. Ils sont indéfiniment rééligibles.
Pendant la durée de la session législative, chaque représentant reçoit du Trésor public une indemnité de deux cents gourdes par mois. Il lui est, en outre, alloué une gourde par lieue, pour frais de route, de sa paroisse au siège de la Chambre.
Le nombre des sénateurs est fixé à trente et peut être porté à trente-six. Leurs fonctions durent neuf ans.
Les sénateurs sont nommés par l'Empereur. Dans le cas de mort ou de déchéance d'un sénateur, le Sénat en informe l'Empereur.
Pour être sénateur, il faut : 1° Être âgé de 30 ans accomplis ; 2° Jouir des droits civils et politiques ; 3° Être propriétaire d'immeuble en Haïti.
L'Haïtien naturalisé devra, en outre des conditions prescrites par l'article précédent, justifier d'une résidence de quatre années dans l'Empire pour être élu sénateur.
Chaque sénateur reçoit du Trésor public une indemnité de deux cents gourdes par mois.
Le Sénat est permanent; il peut cependant s'ajourner, excepté durant la session législative.
Lorsque le Sénat s'ajournera, il laissera un comité permanent. Ce comité ne pourra prendre aucun arrêté que pour la convocation du Sénat.
Le siège du Corps législatif est dans la capitale de l'Empire. Chaque Chambre a son local particulier.
Les sessions ordinaires du Corps législatif ont lieu chaque année. Elles durent trois mois.
L'ouverture des sessions se fait le premier lundi d'avril.
L'Empereur peut convoquer extraordinairement les Chambres, ou ajourner leur réunion. En cas de convocation extraordinaire, l'Empereur fera connaître par un message l'objet de cette convocation.
Le renouvellement de la Chambre des représentants a lieu durant les vacances du Corps législatif.
L'Empereur prononce la clôture de chaque session.
Les membres du Corps législatif sont inviolables, du jour de leur élection ou de leur nomination jusqu'à l'expiration de leur mandat. Ils ne peuvent être exclus de la Chambre dont ils sont membres, ni être, en aucun temps, recherchés, accusés, ni jugés pour les opinions qu'ils auront émises dans leurs Chambres.
Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre du Corps législatif pendant la durée de la session. Si elle a été exercée avant l'ouverture de la session, elle cessera aussitôt que le Corps législatif sera réuni.
Nul membre du Corps législatif ne peut, durant la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, correctionnelle ou de police, sauf le cas de flagrant délit, qu'après que la Chambre dont il fait partie aura autorisé les poursuites sur la demande du Ministère public.
Le membre du Corps législatif arrêté en flagrant délit, sera traduit devant la Chambre dont il fait partie ; si elle est en session. Si elle n'est pas réunie, le procès ne pourra se continuer qu'après l'ouverture de la session et l'autorisation de la Chambre.
Les séances des deux Chambres sont publiques. Néanmoins, chaque Chambre se forme en comité secret sur la demande de cinq membres. Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public, sur le même sujet.
Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet.
Le pouvoir exécutif et chacune des deux Chambres ont l'initiative des lois. Néanmoins, le budget et toute loi portant perception d'impôt ne peuvent être proposés que par le pouvoir exécutif et doivent être d'abord votés par la Chambre des représentants. La loi de règlement des comptes est aussi d'abord votée par la Chambre des représentants.
La loi fixera les cas où les Chambres pourront, à raison du nombre des membres présents, prendre des résolutions.
L'interprétation des lois par voie d'autorité n'appartient qu'au pouvoir législatif. Cette interprétation ne peut avoir lieu que dans la forme établie pour les lois.
Les projets de loi sont adressés par l'Empereur à la Chambre des représentants ou au Sénat. Néanmoins, les projets de loi relatifs aux recettes ou aux dépenses de l'État seront d'abord adressés à la Chambre des représentants.
Les Ministres ont, par écrit ou de vive voix, leurs entrées dans les deux Chambres. Ils y seront entendus quand ils le demanderont. Chaque Chambre peut requérir la présence des Ministres.
Les projets de loi émanés des Chambres devront, par l'intermédiaire des Ministres compétents, être accompagnés des renseignements administratifs que les auteurs de ces projets jugeront nécessaires.
Les amendements adoptés, soit par la Chambre des représentants, soit par le Sénat, sur un projet de loi, sont renvoyés à la Chambre d'où émane le projet pour être votés. Lorsqu'ils ne le seront pas, la Chambre à laquelle ils sont dus en est informée.
Si de nouveaux amendements sont proposés, la discussion ne portera que sur ces amendements et ils ne seront adoptés qu'à la majorité des deux tiers des membres présents.
Toute loi doit être votée article par article.
Toute loi votée par les deux Chambres est adressée à l'Empereur. Si l'Empereur l'approuve et la sanctionne, il la fait promulguer dans les délais prescrits par la loi.
Si l'Empereur a des objections à faire à une loi, il la renvoie, avec ses objections, à la Chambre où elle a été primitivement votée. Si cette Chambre vote de nouveau la loi au scrutin secret et à la majorité des deux tiers, elle sera envoyée à l'autre Chambre. Si cette autre Chambre l'adopte également, aux deux tiers des suffrages, l'Empereur promulguera la loi.
La faculté qu'a l'Empereur de faire des objections doit être exercée dans les délais de la promulgation. Passé ces délais, la loi sera censée acceptée, et l'Empereur devra la promulguer.
Le vote par procuration n'est pas admis. Tout vote est personnel.
Aucune des deux Chambres ne peut prendre de résolutions qu'autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.
Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf les cas autrement prévus par la Constitution et par les règlements des Chambres.
Les votes sont émis par assis et levé ou par appel nominal. Sur l'ensemble d'une loi, il est toujours voté par appel nominal et au scrutin secret.
Chacune des deux Chambres a le droit d'enquête. Ce droit s'exerce conformément aux règlements.
Un projet de loi ne peut être adopté par l'une des deux Chambres qu'après avoir été voté article par article. Les Chambres ont le droit d'amender et de diviser les articles et les amendements proposés. Les amendements votés par une Chambre ne pourront faire partie de la loi qu'après avoir été adoptés par l'autre Chambre.
Les Chambres correspondent avec l'Empereur pour tout ce qui intéresse l'administration des affaires publiques.
Un projet de loi, rejeté par l'une des deux Chambres, ne peut être reproduit pendant la même session.
Chaque Chambre est maîtresse de sa police intérieure. Chacune d'elles a son règlement de discipline et d'ordre pour ses séances.
A l'ouverture de chaque session, la Chambre des représentants et le Sénat nomment, à la majorité absolue, leur bureau composé d'un président, d'un vice-président et de deux secrétaires.
Toute pétition aux Chambres ne peut être faite et présentée que par écrit. Il est interdit d'en apporter en personne à la barre.
Les Chambres peuvent renvoyer aux Ministres les pétitions qui leur sont adressées. Les Ministres seront tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que les Chambres l'exigeront.
Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, durant son mandat, être, au civil, l'objet d'une poursuite tendante à la contrainte par corps.
Aucune place ni emploi salarié par l'État ne peut être créé qu'en vertu d'une loi. Les attributions et le mode de nomination seront déterminés par la loi.
L'Empereur ne peut envoyer nulle part des forces de terre ou de mer sans le consentement des deux Chambres. En cas de péril imminent et pressant, il lui suffira d'obtenir le consentement du Sénat ou de son Comité permanent.
L'Empereur est le chef suprême de l'État. Il exerce la puissance exécutive dans toute sa plénitude.
La personne de l'Empereur est inviolable et sacrée. Il a le titre de Majesté.
L'Empereur commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce et toutes autres conventions qu'il juge nécessaires au bien de l'État, sauf la sanction du Corps législatif. Néanmoins, les stipulations secrètes d'un traité ne pourront être destructives des dispositions patentes.
L'Empereur pourvoit à la défense de l'État, ordonne la distribution des forces de terre et de mer, ainsi qu'il le juge convenable.
L'Empereur fait sceller et promulguer les lois dans les délais suivants, savoir : Dans la semaine, pour le département où siège le Corps législatif ; dans la quinzaine pour les départements les plus voisins ; dans le mois pour les départements les plus éloignés. Les délais courent du jour où la loi aura été envoyée par le Président de la Chambre qui l'aura votée en dernier lieu. L'insertion de la loi au journal officiel de l'État sera la seule preuve de la promulgation.
Les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois sont rendus par l'Empereur, sans qu'il puisse jamais ni suspendre, ni interpréter les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution.
L'Empereur nomme et révoque les Ministres. Il nomme, d'après les conditions établies par les lois, et révoque les fonctionnaires de l'ordre administratif. Il nomme et révoque les agents près les gouvernements étrangers. Il nomme les membres du Conseil d'État et les révoque.
L'Empereur reçoit les envoyés des Puissances étrangères.
L'Empereur peut prendre l'initiative de proposer aux Chambres assemblées la révision de tel article constitutionnel qu'il indiquera ; mais aucun vote ne pourra avoir lieu, sur cette proposition, à moins que les deux Chambres n'aient été renouvelées par l'expiration du mandat de leurs membres. Si les deux nouvelles Chambres, réunies en une seule Assemblée nationale, votent, au scrutin secret, à la majorité des deux tiers des suffrages, la révision demandée, cette révision ne prendra son effet qu'après avoir obtenu la sanction du pouvoir exécutif.
L'Empereur a le droit de faire grâce et celui de commuer les peines. Néanmoins, il ne pourra exercer ce droit en faveur des fonctionnaires et officiers publics, prévenus ou accusés pour fait de leur administration, qu'après le jugement de condamnation. Les Ministres condamnés par le Sénat ne peuvent être graciés par l'Empereur que sur la demande de la Chambre des représentants.
L'Empereur ne peut jamais accorder amnistie qu'en vertu d'une loi.
L'Empereur a la faculté de conférer des titres de noblesse, des distinctions honorifiques, sans pouvoir jamais y attacher aucun privilège.
Aucun acte de l'Empereur ne peut avoir d'effet s'il n'est contre-signé par un Ministre. Ce Ministre devient responsable.
L'Empereur a le droit de dissoudre la Chambre des représentants, à la charge de convoquer les collèges électoraux dans le délai de deux mois, au plus, et de réunir les Chambres dans les trois mois, au plus, qui suivront la dissolution.
L'Empereur ouvre les sessions, et les clôture, soit en personne, soit par un message.
L'Empereur peut, en tout temps, et par un message, faire connaître au Corps législatif ses vues sur les diverses mesures, qui lui paraissent convenir à l'intérêt général de l'État.
L'Empereur, à l'ouverture de chaque session, expose, dans un message adressé aux deux Chambres, la situation générale de l'Empire, et leur indique les améliorations et réformes dont les services publics lui paraissent susceptibles.
Il est alloué à l'Empereur une somme, votée par le Corps législatif, pour les besoins de sa maison. Cette somme sera inscrite aux dépenses générales de l'État.
Il y a un Grand Conseil de l'Empire et un Conseil d'État près l'Empereur. Leur composition et leurs attributions seront réglées par les lois.
L'Empereur a le droit de créer des dotations ou de les augmenter, selon le mérite des services rendus à l'État.
A la mort du présent Empereur, il sera, par le Corps législatif, dans les conditions déterminées par les articles 199 et 200 de la présente Constitution, pourvu à la formation d'un gouvernement définitif, conforme au vœu et à l'intérêt de la nation.
L'Empereur ne peut sortir du territoire de l'Empire. S'il en sort, il est censé avoir abdiqué.
Les membres de la famille impériale portent le titre de prince et de princesse. Ils ont le titre d'Altesse.
Les princes sont, de droit, membres du Grand Conseil de l'Empire ; ils peuvent être nommés à d'autres fonctions publiques. Ils ont leur entrée et séance au Sénat, et y ont voix délibérative.
Nul prince ne peut contracter mariage sans l'autorisation de l'Empereur.
Le mariage contracté sans le consentement de l'Empereur, emporte privation de tout droit et prétention à la couronne.
Les dotations des princes seront réglées par la loi.
Les biens particuliers que les princes possèdent au moment de leur avènement, se réunissent aux dotations de la Couronne. Néanmoins, ils peuvent avoir des biens propres, autres que leurs dotations.
Ceux de la famille impériale, appelés à la succession éventuelle, ne peuvent s'établir en pays étranger ni contracter mariage avec des personnes étrangères sans l'autorisation de l'Empereur. Ils ne peuvent quitter le territoire haïtien sans l'autorisation expresse de l'Empereur. Dans l'un ou l'autre cas, leur contravention à cette disposition emportera leur déchéance de tout droit à la succession éventuelle.
Pendant la minorité, l'Empereur est représenté par un régent. L'Empereur est majeur à l'âge de dix-huit ans accomplis.
La régence est déférée à la personne désignée par l'Empereur. A défaut de cette désignation, le Corps législatif nommera le régent.
Lorsque, par suite d'une cause quelconque d'empêchement absolu, l'Empereur est dans l'impossibilité d'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, le Conseil des Ministres administre provisoirement et convoque le Grand Conseil de l'Empire. Si l'empêchement est reconnu permanent par le Grand Conseil, le régent entre en exercice.
Le régent ne peut être choisi que parmi les Haïtiens. Pour être éligible à la régence, il faut être âgé de 35 ans accomplis.
Le régent et l'Impératrice-mère ont la garde et la tutelle du mineur, conjointement avec un Conseil de famille, composé des trois premiers dignitaires de l'Empire. En cas de décès de l'Impératrice-mère, le régent exercera, avec ce Conseil, la tutelle et la garde de l'Empereur mineur.
Avant d'entrer en fonction, le régent prête, devant l'Assemblée nationale, le serment suivant : « Je jure d'observer et de maintenir la Constitution de l'Empire ; d'administrer les affaires de l'État, conformément aux lois ; de maintenir l'intégrité du territoire et l'indépendance nationale ; de remettre fidèlement, entre les mains de l'Empereur, à sa majorité, les pouvoirs dont l'exercice me sera confié. »
Le régent exerce tous les pouvoirs de l'Empereur ; néanmoins, il ne peut proposer la révision de la Constitution.
Une dotation sera allouée au régent. Elle sera fixée par la loi.
Le Grand Conseil de l'Empire se compose des princes, des grands dignitaires de l'Empire et d'un membre désigné par chacune des deux Chambres. Les princes sont de droit membres de ce Conseil ; ils y ont voix délibérative.
Le Grand Conseil de l'Empire connaît : 1° des contestations qui peuvent s'élever sur les actes concernant la famille impériale ; 2° des questions d'empêchement de l'Empereur. Il délibère, sous la direction du régent, sur les modifications à apporter à la loi de régence.
Les Ministres se réunissent en Conseil. Il y a un secrétaire du Conseil des Ministres, pour la rédaction des procès-verbaux.
Les Ministres sont responsables, chacun en ce qui le concerne, des actes du gouvernement et de l'inexécution des lois.
La Chambre des représentants a le droit d'accuser les Ministres. Le Sénat, constitué en Haute Cour de Justice, a seul le droit de les juger. La loi détermine les cas de responsabilité, les peines à infliger, et le mode de procéder.
Les décisions du Sénat, constitué en Haute Cour de Justice, ne sont pas susceptibles de recours.
Les Ministres ne peuvent être membres d'aucune des deux Chambres. Il leur est interdit de faire, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, aucune entreprise de fournitures ou soumissions pour le compte de l'État.
Les Ministres reçoivent un traitement qui sera fixé par la loi.
Les départements ministériels sont organisés par la loi. Le nombre des Ministres ne pourra excéder six, ni être moindre de quatre.
Des lois organiseront des conseils généraux, des conseils d'arrondissement et des conseils communaux. Elles détermineront leurs attributions.
Nul ne peut être distrait du juge que la Constitution ou la loi lui assigne.
L'organisation et les attributions des tribunaux civils et de commerce, des justices de paix, des tribunaux militaires et de police correctionnelle et simple police, seront déterminées par des lois particulières.
Nulle juridiction contentieuse n'est exercée par la Cour des comptes.
Les juges de paix et leurs suppléants, les juges des tribunaux de commerce, les juges des tribunaux civils et les officiers du Ministère public, près ces tribunaux, sont nommés par l'Empereur. Il nomme également les membres de la Cour de Cassation et les officiers du Ministère public près cette Cour.
Les juges de la Cour de Cassation, les juges des tribunaux civils, sont inamovibles. Néanmoins, tout juge, qui sera dans le cas prévu par le n° 6 de l'article 14, sera suspendu par l'Empereur ; et, s'il n'a pas été amnistié après un an, il perdra sa qualité de juge.
Les juges ne peuvent être déplacés que de leur consentement.
Les juges ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement jugée, ni être suspendus que par suite d'une accusation.
Il y a une Cour de Cassation pour tout l'Empire. Ses attributions sont déterminées par la loi.
La Cour de Cassation prononce sur les conflits d'attribution d'après les règles établies par la loi. Elle ne connaît pas du fond des affaires.
Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre public et les mœurs. Dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement préalable. En matière de délits politiques et de la presse, le huis-clos ne peut être prononcé.
Tout jugement ou arrêt est motivé.
La justice est rendue au nom de l'Empereur. Les arrêts et jugements sont exécutés en son nom.
L'institution des jurés est établie en matière criminelle. Elle ne pourra être modifiée que par une loi.
Les juges civils ne peuvent passer aux fonctions de juges militaires, et les juges militaires aux fonctions de juges civils.
Les juges civils, les officiers du Ministère public, les juges de paix, sont exclusivement justiciables du tribunal de Cassation pour les délits ou crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Pour les délits commis hors de l'exercice de leurs fonctions, ils sont jugés par les tribunaux ordinaires. Ils ne peuvent être arrêtés qu'après autorisation de la Cour de Cassation.
La loi réglera les traitements et les pensions des juges.
Pour exercer les droits d'électeur dans les assemblées primaires, il faut : 1° être citoyen, avoir vingt et un ans accomplis ; 2° exercer une profession, un emploi ou un métier, ou être propriétaire d'immeuble.
Pour être nommé électeur, il faut être âgé de vingt-cinq ans accomplis, et réunir les autres conditions exigées par l'article précédent.
Les assemblées primaires et les collèges électoraux se règlent conformément à la loi.
Les assemblées primaires ne peuvent s'occuper d'aucun autre objet que des élections ; elles ne peuvent faire ni recevoir aucune pétition, adresse ou députation.
Les assemblées primaires et les collèges électoraux ne peuvent se réunir qu'à l'époque et aux lieux déterminés par la loi.
Toute assemblée primaire ou collège électoral formés contre les dispositions de la loi, et dans un autre temps et dans un autre lieu, sera dissous de plein droit. La loi punira les chefs et promoteurs de ces réunions, ainsi que tous ceux qui y auront pris part.
Les impôts au profit de l'État sont votés annuellement. Les lois qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles ne sont pas renouvelées.
Aucun impôt au profit de l'État ne peut être établi que par une loi. Aucune charge, aucune imposition, soit provinciale, soit communale, ne peut être établie que du consentement du conseil provincial ou communal.
Nulle exemption, nulle modération d'impôt ne peut être établie que par une loi.
Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens qu'à titre d'impôt au profit de l'État, de la province ou de la commune.
Le budget de chaque Ministre est divisé en chapitres. Aucune somme allouée pour un chapitre ne peut être reportée au crédit d'un autre chapitre et employée à d'autres dépenses, sans une loi.
Les comptes généraux de l'État, accompagnés d'un relevé comparatif du budget correspondant, seront soumis aux Chambres, avec les observations de la Cour des comptes.
Les traitements et émoluments de tous les fonctionnaires publics sont réglés par la loi.
La loi détermine la forme et les attributions de la Cour des comptes.
La force publique est instituée pour défendre l'État contre les ennemis du dehors, et pour assurer, au dedans, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois.
Le mode de recrutement de l'armée est déterminé par la loi. Celle-ci règle également l'avancement, les droits et les obligations des militaires.
La garde nationale est organisée par la loi.
Aucune troupe étrangère ne peut être admise au service de l'État, occuper ou traverser le territoire, qu'en vertu d'une loi.
Nulle partie de la garde nationale ne peut être mise en activité de service qu'en vertu d'une loi.
Toute garde nationale ne peut être réunie sans l'ordre exprès des autorités désignées par la loi. La garde nationale hors du service n'est pas soumise au régime militaire.
Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi.
Les couleurs nationales sont le bleu et le rouge, placés horizontalement.
Les armes de l'Empire sont le palmier surmonté du bonnet de la liberté, orné d'un trophée, avec la légende : L'Union fait la force.
La capitale de l'Empire et le siège du gouvernement est la ville de Port-au-Prince.
Aucun serment ne peut être imposé qu'en vertu de la loi. Elle en détermine la formule.
Tout étranger qui se trouve sur le territoire de l'Empire, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.
Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d'administration publique n'est obligatoire qu'après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.
Le pouvoir législatif a le droit de déclarer qu'il y a lieu de procéder à la révision de telle disposition constitutionnelle qu'il désigne. Cette déclaration, publiée trois fois dans l'intervalle de trois mois, de mois en mois, nécessite le renouvellement des deux Chambres.
La Constitution ne peut être suspendue ni en tout ni en partie.
Le Corps législatif, à chaque renouvellement de la Chambre des représentants, vote une adresse d'acceptation et de reconnaissance de la Constitution.
Les deux Chambres se réunissent en Assemblée nationale, délibèrent en commun et se constituent, ainsi qu'il est dit au titre III de la présente Constitution. Les votes sont émis par oui ou par non.
La révision ne peut être faite qu'à la majorité des deux tiers des suffrages.
Jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par une loi : Les douanes, l'enregistrement et le notariat continueront d'être régis par les lois, décrets et règlements actuellement en vigueur. Il en sera de même de l'organisation judiciaire et des lois de procédure. Toutefois, l'établissement du jury sera organisé par la loi dans le plus bref délai possible.
Jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu par les lois organiques : 1° les assemblées primaires continueront de se réunir ainsi qu'elles faisaient avant la promulgation de la présente Constitution ; 2° le Corps législatif fera les règlements pour les élections futures, ainsi que pour la police et l'ordre de ses délibérations ; 3° en attendant la loi sur la responsabilité des Ministres, la Chambre des représentants pourra les accuser ; le Sénat, constitué en Haute Cour de Justice, les jugera. Les accusations sont reçues à la majorité des deux tiers des membres présents à la Chambre des représentants. Le Sénat ne peut condamner qu'à la majorité des deux tiers de ses membres.
Donné au palais de la Chambre des représentants, au Port-au-Prince, le 20 septembre 1849, an 46e de l'Indépendance. Le Président de la Chambre des représentants : JEAN-PIERRE DAVID. Les Secrétaires : E. ROUMAIN, CORIOLAN LEREBOURS. Le Président du Sénat : JEAN-BAPTISTE FRANCISQUE. Les Secrétaires : DELVA, ALTÉMA.