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Le peuple haïtien proclame, en présence de l'Être Suprême la présente Constitution de la République d'Haïti, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles et politiques, sa souveraineté et son indépendance nationale.
Constitution adoptée le 18 décembre 1879, sous la présidence de Louis-Étienne-Félicité Salomon. Après plusieurs tentatives de coup d'État et la démission de Boisrond-Canal le 17 juillet 1879, l'Assemblée nationale a élu le général Salomon à la présidence le 23 octobre 1879 et décidé de réviser la Constitution de 1867. Cette constitution fixe notamment le mandat présidentiel à 7 ans, non renouvelable. Elle fut révisée huit fois entre 1880 et 1886.
1879-12-18
Le peuple haïtien proclame, en présence de l'Être Suprême la présente Constitution de la République d'Haïti, pour consacrer à jamais ses droits, ses garanties civiles et politiques, sa souveraineté et son indépendance nationale.
La République d'Haïti est une et indivisible, essentiellement libre, souveraine et indépendante. Son territoire et les îles qui en dépendent sont inviolables et ne peuvent être aliénés par aucun traité ou convention. Ces îles adjacentes sont : la Tortue, la Gonâve, l'île-à-Vache, les Cayemittes, la Navase, la Grande-Caye et toutes autres qui se trouvent placées dans le rayon des limites consacrées par le droit des gens.
Le territoire de la République est divisé en départements. Chaque département est subdivisé en arrondissements et chaque arrondissement en communes. Le nombre et les limites de ces divisions et subdivisions sont déterminés par la loi.
Sont Haïtiens tous individus nés en Haïti ou en pays étranger d'un Haïtien ou d'une Haïtienne. Sont également Haïtiens tous ceux qui, jusqu'à ce jour, ont été reconnus en cette qualité.
Tout Africain ou Indien et leurs descendants sont habiles à devenir Haïtiens. Néanmoins, sur la proposition du Président d'Haïti, l'Assemblée nationale pourra délivrer des titres de naturalité à tout étranger de bonnes moeurs qui, après cinq années de résidence dans le pays, y aura introduit un art ou un métier utile, formé des élèves ou se sera consacré à un établissement d'agriculture. La loi règle les formalités de ces deux modes de naturalisation.
La femme haïtienne, mariée à un étranger suit la condition de son mari. Dans ce cas, tous les immeubles et les droits immobiliers qu'elle possédait avant qu'elle eût cessé d'être Haïtienne continueront à lui appartenir et à être régis par la loi haïtienne. Mais, elle ne pourra plus à l'avenir acquérir aucun immeuble en Haïti. L'étrangère qui épousera un Haïtien suivra la condition de son mari. La femme haïtienne qui se sera unie à un étranger perdra sa qualité d'Haïtienne. Si elle devient veuve, sans avoir eu d'enfant de ce mariage, elle pourra recouvrer sa qualité d'Haïtienne en remplissant les formalités imposées à l'étranger pour acquérir la qualité de citoyen haïtien. L'Haïtienne qui aura perdu sa qualité par le fait de son mariage avec l'étranger, ne pourra posséder ni acquérir d'immeubles en Haïti, à quelque titre que ce soit. Si elle possédait des immeubles avant son mariage, elle sera tenue de les vendre trois mois au plus tard après ce mariage. Il est bien entendu qu'à partir du jour de son mariage elle n'est admise à produire aucune réclamation pour perte de ses biens en cas de troubles politiques. [Texte initial barré, révision du 10 octobre 1884, Bulletin des lois, 1884, p. 70-72]
Nul, s'il n'est Haïtien, ne peut être propriétaire de biens fonciers en Haïti, à quelque titre que ce soit, ni acquérir aucun immeuble.
Tout Haïtien qui se fait naturaliser dans le pays par devant un représentant quelconque d'une puissance étrangère, agit contre le droit commun des nations, et cette prétendue naturalisation demeure nulle et non avenue. Tout Haïtien qui se fera naturaliser étranger en due forme ne pourra revenir dans le pays qu'après cinq années ; et s'il veut redevenir Haïtien, il sera tenu de remplir toutes les conditions et formalités imposées à l'étranger par le deuxième alinéa de l'article 4. La femme haïtienne, veuve d'un étranger dont elle n'aura pas eu d'enfants, pourra redevenir Haïtienne en se conformant seulement au premier alinéa dudit article 4. [Ce 3e alinéa, bien que repris dans le texte de l'article 5 modifié, n'a pas été supprimé.]
La réunion des droits civils et des droits politiques constitue la qualité de citoyen. L'exercice des droits civils, indépendant des droits politiques, est réglé par la loi.
Tout citoyen, âgé de 21 ans accomplis, exerce les droits politiques, s'il réunit d'ailleurs les autres conditions déterminées par la Constitution. Les Haïtiens naturalisés ne sont admis à cet exercice qu'après cinq années de résidence dans la République.
La qualité de citoyen d'Haïti se perd : 1° Par la naturalisation acquise en pays étranger ; 2° Par l'abandon de la Patrie au moment d'un danger imminent ; 3° Par l'acceptation non autorisée de fonctions publiques ou de pensions conférées par un gouvernement étranger ; 4° Par tous services rendus aux ennemis de la République, ou par toutes transactions faites avec eux ; 5° Par la condamnation contradictoire et définitive à des peines perpétuelles à la fois afflictives et infamantes.
L'exercice des droits politiques est suspendu : 1° Par l'état de banqueroutier simple ou frauduleux ; 2° Par l'état d'interdiction judiciaire, d'accusation ou de contumace. 3° Par suite de condamnations judiciaires emportant la suspension des droits civils ; 4° Par suite d'un jugement constatant le refus du service dans la garde nationale et celui de faire partie du jury. La suspension cesse avec les causes qui y ont donné lieu.
La qualité de citoyen et l'exercice des droits politiques ne peuvent se perdre, ni être suspendus que dans les cas exprimés aux articles précédents.
La loi règle les cas où l'on peut recouvrer la qualité de citoyen, le mode et les conditions à remplir à cet effet.
Les Haïtiens sont égaux devant la loi. Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires, sans autre motif de préférence que le mérite et la capacité, suivant l'ordre hiérarchique. L'étranger naturalisé n'est pas admissible aux fonctions législatives et exécutives.
Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordre, aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoirs.
La liberté individuelle est garantie. Nul, hors le cas de flagrant délit, ne peut être arrêté que sous la prévention d'un fait puni par la loi, et sur un mandat d'un fonctionnaire légalement compétent. Pour que ce mandat puisse être exécuté, il faut : 1° qu'il exprime formellement le motif de l'arrestation ou de la détention et la disposition de loi qui punit le fait imputé ; 2° qu'il soit notifié et qu'il en soit laissé copie à la personne arrêtée ou détenue. Toute arrestation ou détention faite contrairement à cette disposition, toute violence ou rigueur employée dans l'exécution d'un mandat, sont des actes arbitraires contre lesquels les parties lésées peuvent, sans autorisation préalable, se pourvoir par devant les tribunaux compétents, en en poursuivant soit les auteurs, soit les exécuteurs.
Nul ne peut être distrait des juges que la Constitution ou la loi lui assigne.
La maison de toute personne habitant le territoire haïtien est un asile inviolable. Aucune visite domiciliaire, aucune saisie de papiers ne peut avoir lieu qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit.
Aucune loi ne peut avoir d'effet rétroactif. La loi rétroagit toutes les fois qu'elle ravit des droits acquis.
Nulle peine ne peut être établie que par la loi, ni appliquée que dans les cas qu'elle détermine.
La propriété est inviolable et sacrée. Les concessions et ventes légalement faites par l'État demeurent irrévocables. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité.
La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.
Tout citoyen doit ses services à la patrie, et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre.
La peine de mort sera restreinte à certains cas que la loi déterminera. En matière politique, elle est abolie et remplacée par la détention perpétuelle dans une prison.
Chacun a le droit d'exprimer ses opinions en toute matière, d'écrire, d'imprimer et de publier ses pensées. Les écrits ne peuvent être soumis à aucune censure préalable. Les abus de l'usage de ce droit sont définis et réprimés par la loi, sans qu'il puisse être porté atteinte à la liberté de la presse.
Tous les cultes sont également libres. Chacun a le droit de professer sa religion et d'exercer librement son culte, pourvu qu'il ne trouble pas l'ordre public.
L'établissement d'une église ou d'un temple, et l'exercice public d'un culte non reconnu en Haïti, peuvent être réglés par la loi.
Le gouvernement détermine la circonscription territoriale des paroisses que desservent les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine.
Nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte.
L'enseignement est libre. L'instruction publique est gratuite à tous les degrés. L'instruction primaire est obligatoire et gratuite. La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par la loi, et sous la haute surveillance de l'État ; cette surveillance s'étend sur tous les établissements d'éducation et d'enseignement, sans aucune distinction. Chaque commune a des écoles primaires de l'un et de l'autre sexe, gratuites et communes à tous les citoyens. Ces écoles sont distribuées graduellement, à raison de la population. Il sera créé également par l'État, aux centres des sections rurales, des écoles primaires agricoles, dans l'intérêt de la propagation de l'instruction dans les masses. Les villes principales ont, en outre, des écoles primaires, des écoles primaires supérieures, des écoles secondaires ou lycées, où sont enseignés les éléments des sciences, des belles-lettres et des beaux-arts. Des écoles normales primaires seront fondées pour former des instituteurs primaires, et des écoles normales supérieures seront créées pour former le personnel de l'enseignement secondaire de nos lycées. Les langues usitées dans le pays, sont enseignées dans ces écoles. Les écoles professionnelles seront instituées aux mêmes lieux que les écoles primaires supérieures ou les écoles secondaires.
Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour délits politiques par la voie de la presse ou autrement. Le jury est établi en toutes matières criminelles. Sont néanmoins exceptés de cette disposition les crimes et délits suivants dont les tribunaux compétents continueront à connaître, mais sans assistance du jury : crimes et délits contre la sûreté intérieure et extérieure de l'État, fausse monnaie et falsification de monnaie, contrefaçon du sceau de l'État, billets de banque, effets publics, poinçons, timbres et marques, faux en écriture publique et authentique, de commerce ou de banque, incendie, et en général tous les délits politiques commis par la voie de la presse ou autrement. [Texte initial barré, révision du 27 juillet 1883, Bulletin des lois, 1883, p. 56-57]
Les Haïtiens ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, même pour s'occuper d'objets politiques, en se conformant aux lois, qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. Cette disposition ne s'applique point aux rassemblements dans les lieux publics, lesquels restent entièrement soumis aux lois de police.
Les Haïtiens ont le droit de s'associer ; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.
Le droit de pétition est exercé personnellement, par un ou plusieurs individus, jamais au nom d'un corps. Les pétitions peuvent être adressées soit au Pouvoir exécutif, soit à chacune des deux Chambres législatives.
Le secret des lettres est inviolable. La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.
L'emploi des langues usitées en Haïti est facultatif ; il ne peut être réglé que par la loi et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires.
Des établissements de service public et des maisons pénitentiaires seront créés et organisés dans les principales villes de la République. Le système pénitentiaire des prisons et autres lieux de détention sera incessamment réglé par la loi.
Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour fait de leur administration, sauf ce qui est statué à l'égard des secrétaires d'État.
La loi ne peut ajouter ni déroger à la Constitution. La lettre de la Constitution doit toujours prévaloir.
Les dettes publiques légalement contractées, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, sont garanties. La Constitution les place sous la sauvegarde de la loyauté de la nation. Les traités faits antérieurement avec les puissances étrangères sont maintenus.
La souveraineté nationale réside dans l'universalité des citoyens.
L'exercice de cette souveraineté est délégué à trois pouvoirs. Ces trois pouvoirs sont : le Pouvoir législatif, le Pouvoir exécutif et le Pouvoir judiciaire. Ils forment le gouvernement de la République, lequel est essentiellement démocratique et représentatif.
Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu'il exerce séparément. Aucun d'eux ne peut les déléguer ni sortir des limites qui lui sont fixées. La responsabilité est attachée à chacun des actes des trois pouvoirs.
La puissance législative est exercée par deux chambres représentatives : une Chambre des communes et un Sénat, qui forment le Corps législatif.
Les deux Chambres se réunissent en Assemblée nationale, dans les cas prévus par la Constitution. Les pouvoirs de l'Assemblée nationale sont limités et ne peuvent s'étendre à d'autres objets que ceux qui lui sont spécialement attribués par la Constitution.
La puissance exécutive est déléguée à un citoyen qui prend le titre de Président de la République d'Haïti, et ne peut recevoir aucune autre qualification.
Les intérêts qui touchent exclusivement les communes sont réglés par les conseils communaux sous le contrôle du Pouvoir exécutif.
La puissance judiciaire est exercée par un tribunal de cassation, des tribunaux d'appel, des tribunaux civils, de commerce et de paix.
La responsabilité individuelle est formellement attachée à toutes fonctions publiques. Une loi réglera le mode à suivre dans les cas de poursuite contre les fonctionnaires publics, pour faits de leur administration.
La Chambre des communes se compose de représentants du peuple, dont l'élection se fait directement par les assemblées primaires de chaque commune, suivant le mode établi par la loi. Le nombre des représentants sera fixé par la loi en raison de la population de chaque commune.
Jusqu'à ce que l'état de la population soit établi et que la loi ait fixé le nombre des représentants du peuple, il y en aura trois pour la capitale, deux pour chaque chef-lieu de département, deux pour chacune des villes de Jacmel et de Jérémie et un pour chacune des autres communes.
Pour être élu représentant du peuple, il faut : 1° Être âgé de 25 ans accomplis ; 2° Jouir des droits civils et politiques ; 3° Être propriétaire d'immeuble en Haïti, ou exercer une industrie quelconque.
Les représentants du peuple sont élus pour cinq ans. Leur renouvellement se fait intégralement. Ils sont indéfiniment rééligibles.
En cas de mort, démission ou déchéance d'un représentant du peuple, l'assemblée primaire pourvoit à son remplacement pour le temps seulement qui reste à courir.
Pendant la durée de la session législative, chaque représentant du peuple reçoit du trésor public une indemnité évaluée à trois cents deux cents quarante piastres fortes par mois. [Texte initial barré, révision du 2 mars 1983, Bulletin des lois, 1883, p. 15-16 ; le 9 juillet 1885, le texte initial a été rétabli.]
Les fonctions de représentant du peuple sont incompatibles avec toutes autres fonctions rétribuées par l'État. Tout représentant qui accepte, durant son mandat, une fonction salariée, cesse de faire partie de la Chambre, et il est pourvu à son remplacement, conformément à l'article 54 ci-dessus. Les fonctions de représentant du peuple sont incompatibles avec toutes autres fonctions rétribuées par l'État. Néanmoins, tout député qui accepte, durant son mandat d'être ministre résident ou secrétaire d'État, continue toujours à faire partie de la Chambre des communes ; il optera pour l'un des traitements alloués aux deux fonctions. [Texte initial barré, révision du 9 octobre 1885, Bulletin des lois, 1885, p. 85-87.]
Le Sénat se compose de trente membres. Leurs fonctions durent six ans.
Les sénateurs sont élus par la Chambre des communes, sur deux listes de candidats, l'une présentée par les assemblées électorales, réunies dans les chefs-lieux de chaque arrondissement, à l'époque déterminée par la loi, et l'autre par le Pouvoir exécutif, à la session où doit avoir lieu le renouvellement décrété par l'article 60. Ces listes sont chacune d'un candidat par commune, et valideront pour deux ans. Le nombre constitutionnel de sénateurs qui doit représenter chaque département de la République sera tiré inclusivement des listes présentées par les collèges électoraux et le Pouvoir exécutif pour ce département. [Texte initial du 2e alinéa barré, révision du 28 septembre 1880 (art. 58, 2e alinéa), Bulletin des lois, 1880, 26-27.] Les sénateurs seront ainsi élus : neuf pour le département de l'Ouest, sept pour le département du Nord, sept pour le département du Sud, quatre pour le département de l'Artibonite et trois pour le département du Nord-Ouest.
Pour être élu sénateur, il faut : 1° Être âgé de 30 ans accomplis ; 2° Jouir des droits civils et politiques ; 3° Être propriétaire d'immeuble en Haïti, ou exercer une industrie quelconque.
Le Sénat se renouvelle par tiers tous les deux ans. En conséquence, il se divise par la voie du sort, en trois séries de dix sénateurs ; ceux de la première série sortent après deux ans, ceux de la seconde après quatre ans, et ceux de la troisième après six ans, de sorte, qu'à chaque période de deux ans, il sera procédé à l'élection de dix sénateurs.
Les sénateurs sont indéfiniment rééligibles.
En cas de mort, démission ou déchéance d'un sénateur, la Chambre des communes pourvoit à son remplacement pour le temps seulement qui reste à courir. L'élection a lieu sur les dernières listes de candidats fournies par le Pouvoir exécutif et par les assemblées électorales.
Le Sénat ne peut s'assembler hors du temps de la session du Corps législatif, sauf les cas prévus par les articles 72 et 74.
Les fonctions de sénateurs sont incompatibles avec toutes autres fonctions rétribuées par l'État. Tout sénateur qui accepte, durant son mandat, une fonction salariée, cesse de faire partie du Sénat, et il est pourvu à son remplacement conformément à l'article 62 ci-dessus. Les fonctions des sénateurs ne sont compatibles qu'avec celles de ministre résident ou de secrétaire d'État. Il est fakultatif à tout sénateur appelé à l'une des précédentes charges, d'opter pour l'un des traitements alloués aux deux fonctions. [Texte initial barré, révision du 9 octobre 1885, Bulletin des lois, 1885, p. 85-87.]
Lorsque le Sénat s'ajourne, il laisse un comité permanent. Ce comité sera composé de cinq sénateurs et ne pourra prendre aucun arrêté que pour la convocation du Sénat ou de l'Assemblée nationale, dans le cas déterminé par l'article 74.
Chaque sénateur reçoit du trésor public une indemnité évaluée à cent cinquante cent vingt piastres fortes par mois. [Révision du 2 mars 1983, Bulletin des lois, 1883, p. 15-16 ; le 9 juillet 1885, le texte initial a été rétabli.]
A l'ouverture de chaque session annuelle, la Chambre des communes et le Sénat se réunissent en Assemblée nationale.
Le président du Sénat préside l'Assemblée nationale ; le président de la Chambre des communes est le vice-président ; les secrétaires du Sénat et de la Chambre des communes sont les secrétaires de l'Assemblée nationale.
Les attributions de l'Assemblée nationale sont : 1° D'élire le Président de la République ; 2° De déclarer la guerre, sur le rapport du Pouvoir exécutif et de statuer sur tous les cas y relatifs ; 3° D'approuver ou de régler les traités de paix, d'alliance, de neutralité, de commerce et autres conventions internationales consentis par le Pouvoir exécutif. Aucun traité n'aura d'effet que par la sanction de l'Assemblée nationale ; 4° D'autoriser le Pouvoir exécutif, sur sa demande, à contracter tous emprunts, sur le crédit de la République ; 5° D'autoriser l'établissement d'une banque nationale ; 6° De changer le lieu fixé pour la capitale de la République ; 7° De réviser la Constitution, lorsqu'il y a lieu de le faire ; 8° De délivrer, sur la proposition du Président d'Haïti, des titres de naturalisation, ainsi qu'il est prévu au deuxième alinéa de l'article 4.
Le siège du Corps législatif est fixé dans la capitale de la République. Chaque Chambre a son local particulier, sauf le cas de la réunion des deux Chambres en Assemblée nationale.
Le Corps législatif s'assemble, de plein droit chaque année, le premier lundi d'avril. La session est de trois mois. En cas de nécessité, elle peut être prolongée jusqu'à quatre, soit par le Corps législatif, soit par le Pouvoir exécutif. Le Président d'Haïti peut aussi, en cas de nécessité urgente et absolue, proroger la session législative ; mais cette prorogation ne peut aller au-delà du premier juin suivant. Cependant, ce droit ne lui est point facultatif dans la dernière année de sa période présidentielle.
Dans l'intervalle des sessions et en cas d'urgence, le Pouvoir exécutif peut convoquer les Chambres ou l'Assemblée nationale à l'extraordinaire. Il leur rend compte alors de cette mesure par un message.
En cas de dissentiment grave survenu entre le Pouvoir exécutif et la Chambre des communes, dissentiment pouvant troubler la paix et l'ordre public, l'exécutif pourra, sur l'avis conforme du Sénat et à la majorité des deux tiers de ses membres, en séance, dissoudre la Chambre, et il sera tenu d'en convoquer une nouvelle dans le délai d'un mois au plus.
En cas de vacance de l'office de Président de la République, l'Assemblée nationale est tenue de se réunir dans les dix jours au plus tard, sur la convocation du comité permanent du Sénat.
Les membres du Corps législatif représentent la nation entière.
Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet.
Les membres de chaque Chambre prêtent individuellement le serment de maintenir les droits du peuple et d'être fidèles à la Constitution.
Les séances des Chambres et de l'Assemblée nationale sont publiques. Néanmoins, chaque assemblée se forme en comité secret, sur la demande de cinq membres. L'Assemblée décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.
Le Pouvoir législatif fait des lois sur tous les objets d'intérêt public. L'initiative appartient à chacune des deux Chambres et au Pouvoir exécutif. Néanmoins, les lois budgétaires, celles concernant l'assiette, la quotité et le mode de perception des impôts ou contributions, celles ayant pour objet de créer des recettes ou d'augmenter les dépenses de l'État, doivent être d'abord votées par la Chambre des communes.
L'interprétation des lois, par voie d'autorité, n'appartient qu'au Pouvoir législatif.
Aucune des deux Chambres ne peut prendre de résolution, qu'autant que les deux tiers de ses membres, fixés par les articles 51 et 57, se trouvent réunis.
Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf les cas prévus par la Constitution.
Les votes sont émis par assis et levé. En cas de doute, il se fait un appel nominal, et les votes sont donnés par oui ou par non.
Chaque Chambre a le droit d'enquête sur tous les objets à elle attribués.
Un projet de loi ne peut être adopté par l'une des Chambres, qu'après avoir été voté article par article.
Chaque Chambre a le droit d'amender et de diviser les articles et amendements proposés. Tout amendement voté par une Chambre ne peut faire partie des articles de la loi, qu'autant qu'il aura été voté par l'autre Chambre. Les organes du Pouvoir exécutif ont la faculté de proposer des amendements aux projets de loi qui se discutent, même en vertu de l'initiative des Chambres ; ils ont aussi la faculté de retirer de la discussion tout projet de loi présenté par le Pouvoir exécutif, tant que ce projet n'a pas été voté définitivement par les deux Chambres. La même faculté appartient à tout membre de l'une ou de l'autre Chambre qui a proposé un projet de loi, tant que ce projet n'a pas été voté par la Chambre dont l'auteur du projet fait partie.
Toute loi admise par les deux Chambres est immédiatement adressée au Pouvoir exécutif, qui, avant de la promulguer, a le droit d'y faire des objections. Dans ce cas, il renvoie la loi à la Chambre où elle a été primitivement votée, avec ses objections ; si elles sont admises, la loi est amendée par les deux Chambres ; si elles sont rejetées, la loi est de nouveau adressée au Pouvoir exécutif, pour être promulguée. Le rejet des objections est voté aux deux tiers des voix et au scrutin secret ; si ces deux tiers ne se réunissent pour amener ce rejet, les objections sont acceptées.
Le droit d'objection doit être exercé dans les délais suivants, savoir : 1° Dans les trois jours, pour les lois d'urgence sans que, en aucun cas, l'objection puisse porter sur l'urgence ; 2° Dans les huit jours, pour les autres lois, le dimanche excepté. Toutefois, si la session est close avant l'expiration de ce dernier délai, la loi demeure ajournée.
Si, dans les délais prescrits par l'article précédent, le Pouvoir exécutif ne fait aucune objection, la loi est immédiatement promulguée.
Un projet de loi rejeté par l'une des Chambres, ne peut être reproduit dans la même session.
Les lois et autres actes du Corps législatif sont rendus officiels par la voie du Moniteur, et insérés dans un bulletin imprimé et numéroté, ayant pour titre : Bulletin des Lois.
La loi prend date du jour où elle a été définitivement adoptée par les deux Chambres ; mais, elle ne devient obligatoire qu'après la promulgation qui en est faite conformément à la loi.
Les Chambres correspondent avec le Président d'Haïti pour tout ce qui intéresse l'administration des affaires publiques.
Les Chambres correspondent également avec les secrétaires d'État et, entre elles, dans les cas prévus par la Constitution.
Nul ne peut présenter en personne des pétitions aux Chambres. Chaque Chambre a le droit d'envoyer aux secrétaires d'État les pétitions qui lui sont adressées. Les secrétaires d'État sont tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que la Chambre l'exige.
Les membres du Corps législatif sont inviolables, du jour de leur élection jusqu'à l'expiration de leur mandat. Ils ne peuvent être exclus de la Chambre dont ils font partie, ni être, en aucun temps, poursuivis et attaqués pour les opinions et votes émis par eux, soit dans l'exercice de leurs fonctions, soit à l'occasion de cet exercice.
Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre du Corps législatif, pendant la durée de son mandat.
Nul membre du Corps législatif ne peut être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, correctionnelle, de police, même pour délit politique, durant son mandat, qu'après l'autorisation de la Chambre à laquelle il appartient, sauf le cas de flagrant délit. S'il est saisi, en cas de flagrant délit, il en est référé à la Chambre sans délai, dès l'ouverture de la session législative.
En matière criminelle, tout membre du Corps législatif est mis en état d'accusation par la Chambre dont il fait partie, et jugé par le tribunal criminel de son domicile, avec l'assistance du jury.
Chaque Chambre, par son règlement, fixe sa discipline et détermine le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.
Le Président de la République est élu pour sept ans ; il entre en fonctions le 15 mai ; il ne peut être réélu qu'après un intervalle de sept ans. Le Président de la République est élu pour sept ans ; il entre en fonctions le 15 mai, et il est rééligible. [Texte initial barré, révision du 9 octobre 1885, Bulletin des lois, 1885, p. 85-87.]
L'élection du Président est faite par l'Assemblée nationale. Cette élection se fait au scrutin secret et à la majorité des deux tiers des membres présents, à l'ouverture de la session ordinaire de l'année où doit se renouveler le mandat du Président de la République. Néanmoins, et seulement lorsque l'intérêt du pays le commande, l'Assemblée nationale peut procéder à cette élection dans la session ordinaire de l'année qui précède celle où doit se renouveler le mandat présidentiel. [Alinéa 2 ajouté par la révision du 16 juin 1886, Bulletin des lois, année 1886, p. 16-19.] Si, après un premier tour de scrutin, aucun candidat n'a obtenu le nombre des suffrages ci-dessus fixé, il est procédé à un second tour de scrutin. Si, à ce second tour de scrutin, la majorité des deux tiers n'est pas obtenue, l'élection se concentre sur les trois candidats qui ont le plus de suffrages. Si, après trois tours de scrutin, aucun des trois candidats ne réunit la majorité des deux tiers, il y a ballottage entre les deux qui ont le plus de voix, et celui qui obtient la majorité absolue est proclamé Président d'Haïti. En cas d'égalité de suffrages des deux candidats, le sort décide alors de l'élection.
Pour être élu Président d'Haïti, il faut : 1° Être né de père Haïtien ; 2° Être âgé de quarante ans ; 3° Être propriétaire d'immeuble en Haïti et y avoir son domicile.
En cas de mort, de démission ou de déchéance du Président, celui qui le remplace est nommé pour sept ans, et ses fonctions cessent toujours au 15 mai, alors même que la septième année de son exercice ne serait pas révolue. Pendant la vacance, le Pouvoir exécutif est exercé par les secrétaires d'État réunis en conseil et sur leur responsabilité.
Si le Président se trouve dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, le conseil des secrétaires d'État est chargé de l'autorité exécutive tant que dure l'empêchement.
Avant d'entrer en fonctions, le Président prête devant l'Assemblée nationale le serment suivant : « Je jure, devant Dieu, devant la Nation, d'observer, de faire observer fidèlement la Constitution et les lois du peuple haïtien, de respecter ses droits, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. »
Le Président fait sceller les lois du sceau de la République, et les fait promulguer immédiatement après leur réception aux termes de l'article 196. Il fait également sceller et promulguer les actes et les décrets de l'Assemblée nationale.
Il est chargé de faire exécuter les lois, actes et décrets du Corps législatif et de l'Assemblée nationale. Il fait tous règlements et arrêtés nécessaires à cet effet, sans pouvoir jamais suspendre ou interpréter les lois, actes et décrets eux-mêmes ni se dispenser de les exécuter.
Le Président nomme et révoque les secrétaires d'État. Il convoque les assemblées primaires afin de compléter la Chambre des communes, quand les élections ordinaires n'ont pas donné 50 membres.
Il commande et dirige les forces de terre et de mer. Il confère les grades dans l'armée, selon le mode et les conditions d'avancement établis par la loi.
Il nomme aux emplois d'administration générale et des relations extérieures, aux conditions établies par la loi. Il ne nomme à d'autres emplois ou fonctions publiques, qu'en vertu de la Constitution ou de la disposition expresse d'une loi et aux conditions qu'elle prescrit.
Il fait les traités de paix, d'alliance, de neutralité, de commerce, et autres conventions internationales, sauf la sanction de l'Assemblée nationale.
Le Président pourvoit, d'après la loi, à la sûreté intérieure et extérieure de l'État.
Il a le droit d'accorder toute amnistie en matière politique, de commuer les peines en toutes matières. L'exercice de ce droit est réglé par la loi.
Toutes les mesures que prend le Président sont préalablement délibérées en conseil des secrétaires d'État.
Aucun acte du Président, autre que l'arrêté portant nomination ou révocation des secrétaires d'État, ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par un secrétaire d'État qui, par cela seul, s'en rend responsable avec lui.
Le Président est responsable de tous abus d'autorité et excès de pouvoir qui se commettent dans son administration, et qu'il n'aurait pas réprimés.
Il n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières votées en vertu de la Constitution.
A l'ouverture de chaque session, le Président, par un message, rend compte à l'Assemblée nationale de son administration pendant l'année expirée, et présente la situation générale de la République, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
La Chambre des communes accuse le Président et le traduit devant le Sénat, en cas d'abus d'autorité et de pouvoir, de malversation, de trahison ou de tout autre crime commis dans l'exercice de ses fonctions. Le Sénat ne peut prononcer d'autres peines que celles de la déchéance et de la privation du droit d'exercer toute autre fonction publique pendant un an au moins et cinq ans au plus. S'il y a lieu à appliquer d'autres peines et à statuer sur l'exercice de l'action civile, il y sera procédé devant les tribunaux ordinaires, soit sur l'accusation admise par la Chambre des communes, soit sur la poursuite des parties lésées. La mise en accusation et la déclaration de culpabilité ne pourront être prononcées, respectivement dans chaque Chambre, qu'à la majorité des deux tiers des suffrages.
La loi règle le mode de procéder contre le Président, dans les cas de crimes ou délits commis par lui, soit dans l'exercice de ses fonctions, soit en dehors de cet exercice.
Le Président d'Haïti reçoit du trésor public, pour tous traitements et frais généralement quelconques, une indemnité annuelle de vingt-cinq mille vingt mille piastres fortes. [Révision du 2 mars 1983, Bulletin des lois, 1883, p. 15-16 ; le 9 juillet 1885, le texte initial a été rétabli.]
Il réside au palais national de la capitale.
Il y a de quatre à cinq secrétaires d'État, selon que le Président d'Haïti le juge utile. Les départements des secrétaires d'État sont : l'Intérieur et l'Agriculture, la Justice, l'Instruction publique et les Cultes, les Finances, le Commerce et les Relations extérieures, la Guerre et la Marine. Les départements des secrétaires d'État sont fixés par l'arrêté du Président d'Haïti portant leur nomination.
Nul ne peut être secrétaire d'État s'il n'est âgé de 30 ans accomplis et s'il ne jouit de ses droits civils et politiques et s'il n'est propriétaire d'immeuble en Haïti.
Les secrétaires d'État se forment en conseil, sous la présidence du Président d'Haïti ou de l'un d'eux délégué par le président. Toutes les délibérations sont consignées sur un registre et signées par les membres du conseil.
Les secrétaires d'État correspondent immédiatement avec les autorités qui leur sont subordonnées.
Ils ont leur entrée dans chacune des Chambres, pour soutenir les projets de lois et les objections du Pouvoir exécutif. Les Chambres peuvent requérir la présence des secrétaires d'État et les interpeller sur tous les faits de leur administration. Les secrétaires d'État interpellés sont tenus de s'expliquer. S'ils déclarent l'explication compromettante pour l'intérêt de l'État, ils demanderont à la donner à huis-clos.
Les secrétaires d'État sont respectivement responsables, tant des actes du Président qu'ils contresignent, que de ceux de leur département, ainsi que de l'inexécution des lois ; en aucun cas l'ordre verbal ou écrit du Président ne peut soustraire un secrétaire d'État à la responsabilité.
La Chambre des communes accuse les secrétaires d'État et les traduit devant le Sénat en cas de malversation, de trahison, d'abus ou d'excès de pouvoir et de tout autre crime commis dans l'exercice de leurs fonctions. Aucun vote des deux Chambres pouvant entraîner dans ses effets une modification partielle ou totale du ministère, ne peut être donné sans que se présente l'un des cas prévus au premier alinéa du présent article. Le Sénat ne peut prononcer d'autres peines que celles de la destitution et de la privation d'exercer toute fonction publique pendant un an au moins et cinq ans au plus.
Chaque secrétaire d'État reçoit du trésor public, pour tous frais et traitements, une indemnité annuelle de six mille quatre mille huit cents piastres fortes. [Révision du 2 mars 1983, Bulletin des lois, 1883, p. 15-16 ; le 9 juillet 1885, le texte initial a été rétabli.]
Il est établi un conseil municipal par chaque commune. Le conseil de la commune est présidé par un citoyen qui prend le titre de magistrat communal. Cette institution est réglée par la loi.
Le Président d'Haïti nomme les magistrats communaux et leurs suppléants qu'il choisit parmi les membres élus des dits conseils communaux.
Les principes suivants doivent former la base des conseils communaux : 1° L'élection par les assemblées primaires, tous les trois ans, pour les conseils communaux ; 2° L'attribution aux conseils communaux de tout ce qui est d'intérêt communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine ; 3° La publicité des séances des conseils dans les limites établies par la loi ; 4° La publicité des budgets et des comptes ; 5° L'intervention du Président d'Haïti ou du Pouvoir législatif, pour empêcher que les conseils ne sortent de leurs attributions et ne blessent l'intérêt général. La rédaction des actes de l'état civil et la tenue des registres sont dans les attributions de citoyens spéciaux nommés par le Pouvoir exécutif et prenant le titre d'officiers de l'état-civil.
Les magistrats communaux sont rétribués par l'État.
Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
Les contestations qui ont pour objet les droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.
Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu de la loi. Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit, notamment sous le nom de cours martiales.
Il y a pour toute la République un tribunal de cassation, composé de deux sections au moins. Son siège est dans la capitale.
Ce tribunal ne connaît pas du fond des affaires. Néanmoins, en toute matière autre que celles soumises au jury, lorsque, sur un second recours, une même affaire se présentera entre les mêmes parties, le tribunal de cassation, en admettant le pourvoi, ne prononcera point de renvoi, et statuera sur le fond, sections réunies.
Il sera formé un tribunal d'appel dans chacun des départements du Nord et du Nord-Ouest, de l'Artibonite, de l'Ouest et du Sud. Chaque commune a au moins un tribunal de paix. Un tribunal civil est institué pour un ou plusieurs arrondissements. La loi détermine leur ressort, leurs attributions respectives et le lieu où ils sont établis.
Les juges de paix et leurs suppléants, les juges des tribunaux civils et leurs suppléants, les juges des tribunaux d'appel et leurs suppléants et les membres du tribunal de cassation sont nommés par le Président de la République, d'après des conditions et suivant un ordre de candidature qui seront réglés par les lois organiques.
Les juges du tribunal de cassation, ceux des tribunaux civils et d'appel sont inamovibles. Ils ne peuvent passer d'un tribunal à un autre ou à d'autres fonctions, même supérieures, que de leur consentement formel. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement jugée, ou suspendus que par une accusation admise. Ils ne peuvent être mis à la retraite que lorsque, par suite d'infirmités graves et permanentes, ils se trouvent hors d'état d'exercer leurs fonctions.
Les juges de paix sont révocables.
Nul ne peut être nommé juge ou officier du ministère public s'il n'a 30 ans accomplis pour le tribunal de cassation et 25 ans accomplis pour les autres tribunaux.
Le Président d'Haïti nomme et révoque les officiers du ministère public près le tribunal de cassation et les autres tribunaux.
Les fonctions de juges sont incompatibles avec toutes autres fonctions publiques. L'incompatibilité à raison de la parenté est réglée par la loi.
Le traitement des membres du corps judiciaire est fixé par la loi.
Il y a des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode d'élection de leurs membres et la durée des fonctions de ces derniers.
Des lois particulières règlent l'organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions.
Tout délit civil commis par un militaire, à moins qu'il ne soit dans un camp ou en campagne, est jugé par les tribunaux criminels ordinaires. Il en est de même de toute accusation contre un militaire, dans laquelle un individu non militaire est compris.
Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre public et les bonnes moeurs ; dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement. En matière de délits politiques et de presse, le huis-clos ne peut être prononcé.
Tout arrêt ou jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique.
Les arrêts et jugements sont exécutés au nom de la République. Ils portent un mandement aux officiers du ministère public et aux agents de la force publique. Les actes des notaires sont mis dans la même forme lorsqu'il s'agit de leur exécution forcée.
Le tribunal de cassation prononce sur les conflits d'attribution, d'après le mode réglé par la loi. Il connaît aussi des jugements des conseils militaires pour cause d'incompétence.
Les tribunaux doivent refuser d'appliquer une loi inconstitutionnelle. Ils n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux d'administration publique qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.
En cas de forfaiture, tout juge ou officier du ministère public est mis en état d'accusation par l'une des sections du tribunal de cassation. S'il s'agit d'un tribunal entier, la mise en accusation est prononcée par le tribunal de cassation, sections réunies. S'il s'agit du tribunal de cassation, d'une de ses sections, ou de l'un de ses membres, la mise en accusation est prononcée par la Chambre des Communes et le jugement par le Sénat. La décision de chacune des Chambres est prise à la majorité des deux tiers des membres présents, et la peine à prononcer par le Sénat ne peut être que la révocation des fonctions et l'inadmissibilité, pendant un certain temps, à toutes charges publiques ; mais le condamné est renvoyé, s'il y a lieu, par devant les tribunaux ordinaires, et puni conformément aux lois.
La loi règle le mode de procéder contre les juges, dans les cas de crimes ou délits par eux commis, soit dans l'exercice de leurs fonctions, soit hors de cet exercice.
Tout citoyen âgé de 21 ans accomplis a le droit de voter aux assemblées primaires et électorales, s'il jouit de ses droits civils et politiques.
Les assemblées primaires s'assemblent, de plein droit, dans chaque commune, le 10 janvier de chaque année, selon qu'il y a lieu et suivant le mode établi par la loi.
Elles ont pour objet d'élire, aux époques fixées par la Constitution, les représentants du peuple, les conseillers communaux et les membres des assemblées électorales d'arrondissement.
Toutes les élections se font à la majorité absolue des suffrages et au scrutin secret.
Les assemblées électorales se réunissent de plein droit, le 15 février de chaque année, selon qu'il y a lieu et suivant le mode établi par la loi. Elles ont pour objet d'élire les candidats à fournir à la Chambre des communes pour l'élection des sénateurs.
Aucune élection ne peut avoir lieu, dans une assemblée électorale, qu'autant que les deux tiers au moins du nombre des électeurs soient présents.
Les assemblées primaires et électorales ne peuvent s'occuper d'aucun autre objet que de celui des élections qui leur sont attribuées par la Constitution. Elles sont tenues de se dissoudre dès que cet objet est rempli.
Aucun impôt au profit de l'État ne peut être établi que par une loi. Nulle charge, nulle imposition, soit départementale, soit communale ne peut être établie que du consentement du conseil départemental ou communal. La loi détermine les exceptions dont l'expérience démontrera la nécessité, relativement aux impositions départementales et communales.
Les impôts au profit de l'État sont votés annuellement. Les lois qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles ne sont pas renouvelées.
Il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. Nulle exemption, nulle modération d'impôt ne peut être établie que par une loi.
Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens qu'à titre d'impôt au profit de l'État ou de la commune.
Aucune pension, aucune gratification, aucune allocation, aucune subvention quelconque, à la charge du trésor public, ne peut être accordée qu'en vertu d'une loi. Il en est de même des indemnités dues aux fonctionnaires révoqués, destitués ou licenciés.
Le cumul des fonctions salariées par l'État est formellement interdit, excepté dans l'enseignement secondaire et supérieur.
Le budget de chaque secrétaire d'État est divisé en chapitres. Aucune somme allouée pour un chapitre ne peut être reportée au crédit d'un autre chapitre et employée à d'autres dépenses sans une loi.
Les comptes généraux des recettes et des dépenses de la République sont tenus en partie double par le secrétaire d'État des finances.
Chaque année, les Chambres arrêtent : 1° Le compte des recettes et des dépenses de l'exercice précédent ou des exercices précédents qui n'auraient pas été arrêtés ; 2° Le budget général de l'État contenant l'aperçu et la proposition des fonds assignés pour l'année à chaque secrétaire d'État. Toutefois, aucune proposition, aucun amendement ne peut être introduit à l'occasion du budget, dans le but de réduire ou d'augmenter les appointements des fonctionnaires publics et la solde des militaires. Le budget de l'exercice précédent reste en vigueur jusqu'à ce que le nouveau budget soit voté. La loi détaillera les conséquences qui résulteraient du non-renouvellement du budget avant l'ouverture du nouvel exercice.
La Chambre des comptes est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tout comptable envers le trésor public. Elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé, et qu'aucun transport n'ait lieu. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l'État et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l'État est soumis aux Chambres avec les observations de la Chambre des comptes. Cette Chambre est organisée par une loi.
Les traitements des agents de la République sont réglés par la loi.
La loi règle la fabrication et l'émission des monnaies. Elle détermine les inscriptions, le titre, le poids et la valeur des pièces. Les pièces de monnaie sont à l'effigie de la République. La fabrication de ces pièces de monnaie ne peut avoir lieu qu'en Haïti. Sont exceptés de cette disposition les cas prévus par la loi.
Aucune banque publique ne pourra être fondée en Haïti, qu'en vertu d'une loi et conformément aux prescriptions de l'Assemblée nationale. La loi de la banque ne prévaudra contre les dispositions de l'article 6 de la Constitution. [Alinéa 1 : révision du 15 septembre 1880, Bulletin des lois, 1880, n° 9, p. 25.]
La force publique est instituée pour défendre l'État contre les ennemis du dehors et pour assurer au dedans le maintien de l'ordre et l'exécution des lois.
L'armée est essentiellement obéissante. Nul corps armé ne peut délibérer.
En temps de paix, le contingent de l'armée est voté annuellement par la loi du budget. L'armée sera réduite au pied de paix.
Nul ne peut recevoir de solde, s'il ne fait partie de l'effectif de l'armée.
Le mode de recrutement de l'armée sera déterminé par la loi. Elle règle également l'avancement, les droits et les obligations des militaires.
La garde nationale est organisée par la loi. La garde nationale ne peut être mobilisée, en tout ou en partie, que dans les cas prévus par la loi. Dans le cas de mobilisation, elle est soumise aux lois militaires.
Aucune troupe étrangère ne peut être admise sur le territoire haïtien qu'en vertu d'une loi.
Aucun Haïtien ne peut faire partie de l'armée d'un gouvernement étranger.
Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, de leurs honneurs et de leurs pensions que de la manière déterminée par la loi.
Une loi déterminera les cas et le mode à suivre pour l'établissement de l'état de siège dans une partie ou dans l'ensemble du territoire. Elle réglera quels seront, en ce cas, les pouvoirs du Président d'Haïti. L'état de siège ne peut être établi par le Pouvoir exécutif que lorsqu'une session extraordinaire n'est pas possible. Cet établissement devra être porté à la connaissance du Corps législatif à l'ouverture de la session ordinaire de la même année, avec l'avis conforme du Conseil des secrétaires d'État.
Les couleurs nationales sont le bleu et le rouge placés horizontalement.
Les armes de la République sont : le palmiste surmonté du bonnet de la liberté et ombrageant de ses palmes un trophée d'armes ; pour légende : l'Union fait la force.
La ville du Port-au-Prince est la capitale de la République et le siège du gouvernement.
Les fêtes légales sont fixées : aux 1er janvier, Fête de l'Indépendance, et 2 janvier, jour des Aïeux.
Aucun serment ne peut être imposé qu'en vertu de la Constitution ou de la loi qui en détermine la formule.
Tout étranger qui se trouve sur le territoire d'Haïti jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.
Nul n'est tenu de produire aucun acte ou pièce en dehors de ceux exigés par la loi.
La loi détermine les formalités à remplir pour la promulgation des lois et arrêtés.
Nulle loi, nul arrêté ou règlement d'administration publique n'est obligatoire qu'après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.
La Constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie.
Toutes les dispositions de loi, tous décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui sont contraires à la présente Constitution, sont et demeurent abrogés.
Les lois d'organisation et de régime intérieur, ainsi que tous les codes de la République, sont maintenus, en tout ce qui ne sera pas contraire à la présente Constitution, jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé.
L'Assemblée nationale a le droit de déclarer qu'il y a lieu à réviser telle disposition constitutionnelle qu'elle désigne.
Après cette déclaration, les deux Chambres se réuniront en Assemblée nationale et statueront sur la révision proposée.
L'Assemblée nationale ne peut délibérer sur cette révision, si les deux tiers au moins des membres de chacune des deux Chambres ne sont présents. Aucune déclaration ne peut être faite, aucun changement ne peut être adopté qu'à la majorité des deux tiers des suffrages.
Jusqu'à ce que la loi organique de la garde nationale soit élaborée, la loi du 23 août 1877 concernant l'organisation et le service de la garde nationale non soldée, continue à être en vigueur.
Jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par la loi, le droit d'asile en Haïti ne couvre pas le crime d'assassinat. La décision y relative sera rendue par le tribunal de cassation dans les formes qui seront établies par la loi.
Article unique. Le citoyen Louis Félicité Salomon, élu par l'Assemblée constituante Président d'Haïti, exercera cette charge jusqu'au 15 mai 1887.
Fait au Palais de l'Assemblée nationale constituante, au Port-au-Prince, le 18 décembre 1879, an 76e de l'Indépendance. Le président de l'Assemblée nationale : F. D. LEGITIME. Les secrétaires : Jh. P. DAUPHIN, CAMILLE NAUD, A. THOBY, ULRIC DUVIVIER. Les représentants : D. Piquant, Eug. Margron, Innocent Michel Pierre, Justima Joseph, C. Héraux, Turenne Jean Gilles, Eugène Bourjolly, Séïde Télémaque, T. Lalanne, L. Audain, Arcalus Jeanty, Louidor Jn-Baptiste, Gédéon Jasmin, Gaston Laraque, P. S. Lamothe, Ulrick Laforest, Armand Thoby, Lélio C. Dominique, Alcide Domingue, A. Thézam, Normil Nazaire, Syphax Antoine, D. Prophète, Mne Poitevien, Camille Naud, Alfred Simonise, H. Dupiton, P. Michel Pierre, S. Archer, T. P. Sam, Anténor Firmin, Belfort Prophète, Arsène Chevry, Michel D. Gaillard, L. J. Marcelin, Ducarmel Noël, J. A. Blot, M. Deslandes, H. Dehoux, P. E. Douyon, P. F. Bréa, Jh. P. Dauphin, M. Lanoue, S. M. Baptiste, Démostène Zamor, André Chevallier, Cuvier Lhérisson, D. Hippolyte, Th. Laforest, Ch. Archin, A. Lubin fils, Chéraquit fils, U. Duvivier, A. Lubin.